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posé avoir mangé seul, sans aucun aide, tout le dîner qui m’avait été servi à l’auberge. Une dame qui voyageait dans l’intérieur, passa la tête par la portière et s’adressant au garde de la diligence : « George ! lui cria-t-elle, prenez garde à cet enfant, ou il crèvera. » Au même moment, les servantes de la maison accouraient sur le seuil de la cuisine pour admirer en riant le jeune phénomène. Quant au garçon malheureux, qui avait recouvré sa joyeuseté, il ne paraissait nullement confus ou troublé de me voir signalé ainsi comme une merveille, et il se joignait même à l’admiration générale. Si je l’avais soupçonné le moins du monde, je suppose que tous mes doutes eussent été éclaircis ; mais telle était ma simplicité confiante, tel était mon respect naturel pour les personnes plus âgées que moi (simplicité et respect que les enfants n’échangent que trop prématurément contre la sagesse mondaine)… je n’imaginais pas encore avoir été mystifié.

Je n’en trouvai pas moins, je l’avoue, qu’il était dur de me voir le sujet des grosses plaisanteries que se renvoyaient le cocher et le garde : « — La diligence est trop chargée par derrière ! » criait l’un. — « Il eût fallu mettre au roulage ce jeune voyageur ! » criait l’autre.