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défendre contre le petit nombre d’objections faites à son talent, prouve qu’il ne songe nullement à s’appliquer la fiction des chartes politiques, qui dit que le roi ne peut mal faire (the king cannot do wrong). Approuver Charles Dickens sans restriction serait d’autant plus dangereux, qu’il a eu déjà en France des imitateurs qui ont exagéré ses défauts et perverti ses qualités. Remarquable par cette fine observation qui reproduit avec le même relief le sentiment et la sensation, l’expression intellectuelle du caractère et les habitudes toutes physiques du tempérament, l’auteur d’Oliver Twist accorde peut-être quelquefois plus d’importance à l’analyse matérielle qu’à l’analyse morale. Quelques-uns de ses meilleurs portraits appartiennent à la caricature. En visant à l’effet, il tombe dans l’affectation, tantôt par la pensée, tantôt par le style. Une observation minutieuse lui fait quelquefois trop facilement admettre dans ses peintures des accessoires vulgaires. Sous le pinceau délicat de Mieris surgissent tout-à-coup des formes que Callot seul avouerait. Sa verve enfin, trahie par la prolixité des détails, ne se contentant plus du mot propre, hasarde une comparaison peu naturelle. Voilà pour les descriptions et les portraits de Charles Dickens dans les ouvrages qui ont précédé David Copperfield. En général, ce qui a manqué jusqu’ici à Charles Dickens dans ses romans de longue haleine, c’est le plan, c’est cette unité dramatique qui suffit à embrasser dans un seul cadre le tableau de la vie humaine, témoin Tom Jones, mais qui n’y parvient qu’en groupant avec art tous les éléments de l’action et de l’intérêt.

Cette imperfection dans le plan s’explique, mais ne se justifie pas, lorsqu’on apprend comment ont été composés et publiés jusqu’ici tous les romans de Charles Dickens, tantôt par chapitres hebdomadaires, tantôt par fractions mensuelles, l’auteur, comme un dieu aveugle, lançant en quelque sorte ses personnages au hasard à travers les vicissitudes de la vie, ignorant comme eux où la destinée le