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Oublierai-je jamais ces leçons ? Nominalement ma mère les présidait, mais sous la présidence réelle de M. Murdstone et de sa sœur qui, toujours présents, y trouvaient mainte occasion favorable pour donner à ma mère elle-même quelques leçons de cette prétendue fermeté, poison fatal de sa vie et de la mienne. Je crois qu’on me gardait encore dans ce but. J’avais montré assez de facilité pour apprendre, et même assez de bonne volonté tant que nous avions vécu seuls ma mère et moi. Je me rappelle avoir appris à lire sur son genou. Les grosses lettres de l’alphabet, les O, les Q, les S, n’eurent jamais rien qui m’effrayât : leurs formes bizarres et mystérieuses ne m’inspiraient aucun sentiment de répugnance ; au contraire, ce fut comme à travers un parterre fleuri que je marchai jusqu’au livre où je lisais à Peggoty l’histoire des crocodiles, encouragé, tout le long du chemin, par le sourire et la douce voix de ma mère. Mais les leçons solennelles qui succédèrent à celles-là me reviennent à la mémoire comme le glas funèbre de ma félicité enfantine, comme une monotone et cruelle corvée de tous les jours : leçons longues, nombreuses, difficiles, — la plupart même inintelligibles pour ma pauvre mère comme pour moi.