« Quel excès ! dit M. Chillip ; mais comment résister à une fortune si extraordinaire ? Vous n’avez pas d’enfant, monsieur ? »
Je secouai la tête.
« Je savais que vous aviez fait une perte, il y a quelque temps, monsieur, dit M. Chillip. Je l’ai appris de la sœur de votre beau-père : un caractère bien décidé, monsieur !
— Mais oui, fièrement décidé, répondis-je. Où l’avez-vous vue, monsieur Chillip ?
— Ne savez-vous pas, monsieur, reprit M. Chillip avec son plus affable sourire, que votre beau-père est redevenu mon proche voisin ?
— Je n’en savais rien.
— Mais oui vraiment, monsieur. Il a épousé une jeune personne de ce pays, qui avait une jolie petite fortune, la pauvre femme ! Mais votre tête ? monsieur. Ne trouvez-vous pas que votre genre de travail doit vous fatiguer beaucoup le cerveau ? reprit-il en me regardant d’un air d’admiration. »
Je ne répondis pas à cette question, et j’en revins aux Murdstone.
« Je savais qu’il s’était remarié. Est-ce que vous êtes le médecin de la maison ?
— Pas régulièrement. Mais ils m’ont fait appeler quelquefois, répondit-il. La bosse de la fermeté est terriblement développée chez M. Murdstone et chez sa sœur, monsieur ! »
Je répondis par un regard si expressif que M. Chillip, grâce à cet encouragement et au bichof tout ensemble, imprima à sa tête deux ou trois mouvements saccadés et répéta d’un air pensif :
« Ah ! mon Dieu ! ce temps-là est déjà bien loin de nous, monsieur Copperfield !
— Le frère et la sœur continuent leur manière de vivre ? lui dis-je.
— Ah ! monsieur, répondit M. Chillip, un médecin va beaucoup dans l’intérieur des familles, il ne doit, par conséquent, avoir des yeux ou des oreilles que pour ce qui concerne sa profession ; mais pourtant, je dois le dire, monsieur, ils sont très-sévères pour cette vie, comme pour l’autre.
— Oh ! l’autre saura bien se passer de leur concours, j’aime à le croire, répondis-je ; mais que font-ils de celle-ci ? »
M. Chillip secoua la tête, remua son bichof, et en but une petite gorgée.