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moyen d’entasser des spécimens de tous les âges et de tous les états.

En jetant autour de moi un coup d’œil, je pus voir, assise à côté d’un des petits Micawber, une femme dont la tournure me rappelait Émilie. Une autre femme se pencha vers elle pour l’embrasser, puis s’éloigna rapidement à travers la foule, me laissant un vague souvenir d’Agnès. Mais au milieu de la confusion universelle, et du désordre de mes pensées, je la perdis bientôt de vue ; je ne vis plus qu’une chose, c’est qu’on donnait le signal de quitter le pont à tous ceux qui ne partaient pas ; que ma vieille bonne pleurait à coté de moi, et que mistress Gummidge s’occupait activement d’arranger les effets de M. Peggotty, avec l’assistance d’une jeune femme, vêtue de noir, qui me tournait le dos.

« Avez-vous encore quelque chose à me dire, maître Davy ? me demanda M. Peggotty ; n’auriez-vous pas quelque question à me faire pendant que nous sommes encore là ?

— Une seule, lui dis-je. Marthe… »

Il toucha le bras de la jeune femme que j’avais vue près de lui, elle se retourna, c’était Marthe.

« Que Dieu vous bénisse, excellent homme que vous êtes ! m’écriai-je ; vous l’emmenez avec vous ? »

Elle me répondit pour lui en fondant en larmes. Il me fut impossible de dire un mot, mais je serrai la main de M. Peggotty ; et si jamais j’ai estimé et aimé un homme au monde c’est bien celui-là.

Les étrangers évacuaient le navire. Mon plus pénible devoir restait encore à accomplir. Je lui dis ce que j’avais été chargé de lui répéter, au moment de son départ, par le noble cœur qui avait cessé de battre. Il en fut profondément ému. Mais, lorsqu’à son tour, il me chargea de ses compliments d’affection et de regret pour celui qui ne pouvait plus les entendre, je fus bien plus ému encore que lui.

Le moment était venu. Je l’embrassai. Je pris le bras de ma vieille bonne tante en pleurs, nous remontâmes sur le pont. Je pris congé de la pauvre mistress Micawber. Elle attendait toujours sa famille d’un air inquiet ; et ses dernières paroles furent pour me dire qu’elle n’abandonnerait jamais M. Micawber.

Nous redescendîmes dans notre barque à une petite distance, nous nous arrêtâmes pour voir le vaisseau prendre son élan. Le soleil se couchait. Le navire flottait entre nous et le