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c’était entre les mains de M. Wickfield que je l’avais déposée. Mais, maintenant que je sais que c’est à cet individu de m’en répondre, je veux l’avoir ! Trot, venez la lui reprendre ! »

Je suppose que ma tante croyait sur le moment retrouver sa fortune dans la cravate d’Uriah Heep, car elle la secouait de toutes ses forces. Je m’empressai de les séparer, en assurant ma tante qu’il rendrait jusqu’au dernier sou tout ce qu’il avait acquis indûment. Au bout d’un moment de réflexion, elle se calma et alla se rasseoir, sans paraître le moins du monde déconcertée de ce qu’elle venait de faire (je ne saurais en dire autant de son chapeau).

Pendant le quart d’heure qui venait de s’écouler, mistress Heep s’était épuisée à crier à son fils d’être « humble ; » elle s’était mise à genoux devant chacun de nous successivement, en faisant les promesses les plus extravagantes. Son fils la fit rasseoir, puis se tenant près d’elle d’un air sombre, le bras appuyé sur la main de sa mère, mais sans rudesse, il me dit avec un regard féroce :

« Que voulez-vous que je fasse ?

— Je m’en vais vous dire ce qu’il faut faire, dit Traddles.

— Copperfield n’a donc pas de langue ? murmura Uriah. Je vous donnerais quelque chose de bon cœur, si vous pouviez m’affirmer, sans mentir, qu’on la lui a coupée.

— Mon Uriah va se faire humble, s’écria sa mère. Ne l’écoutez pas, mes bons messieurs !

— Voilà ce qu’il faut faire, dit Traddles. D’abord, vous allez me remettre, ici même, l’acte par lequel M. Wickfleld vous faisait l’abandon de ses biens.

— Et si je ne l’ai pas ?

— Vous l’avez, dit Traddles, ainsi nous n’avons pas à faire cette supposition. »

Je ne puis m’empêcher d’avouer que je rendis pour la première fois justice, en cette occasion, à la sagacité et au bon sens simple et pratique de mon ancien camarade.

« Ainsi donc, dit Traddles, il faut vous préparer à rendre gorge, à restituer jusqu’au dernier sou tout ce que votre rapacité a fait passer entre vos mains. Nous garderons en notre possession tous les livres et tous les papiers de l’association ; tous vos livres et tous vos papiers ; tous les comptes et reçus ; en un mot, tout ce qui est ici.

— Vraiment ? Je ne suis pas décidé à cela, dit Uriah. Il faut me donner le temps d’y penser.