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Elle ne dit pas à Émilie où elle allait, de peur que le courage ne vînt à lui manquer et qu’elle n’eût l’idée de se dérober à nos yeux. Je ne sais comment la méchante dame apprit qu’elle était là. Peut-être l’individu dont je n’ai que trop parlé les avait-il vues entrer ; ou plutôt, peut-être l’avait-il su de cette femme qui avait voulu la perdre. Mais, qu’importe ! ma nièce est retrouvée.

« Toute la nuit, dit M. Peggotty, nous sommes restés ensemble, Émilie et moi. Elle ne m’a pas dit grand’chose, au milieu de ses larmes ; j’ai à peine vu le cher visage de celle qui a grandi sous mon toit. Mais toute la nuit j’ai senti ses bras autour de mon cou ; sa tête a reposé sur mon épaule, et nous savons maintenant que nous pouvons avoir confiance l’un dans l’autre, et pour toujours. »

Il cessa de parler et posa sa main sur la table avec une énergie capable de dompter un lion.

« Quand j’ai pris autrefois la résolution d’être marraine de votre sœur, Trot, dit ma tante, de Betsy Trotwood, qui, par parenthèse, m’a fait faux bond, je ne peux pas vous dire quel bonheur je m’en étais promis. Mais, après cela, rien au monde n’aurait pu me faire plus de plaisir que d’être marraine de l’enfant de cette bonne jeune femme ! »

M. Peggotty fit un signe d’assentiment, mais il n’osa pas prononcer de nouveau le nom de celle dont ma tante faisait l’éloge. Nous gardions tous le silence, absorbés dans nos réflexions (ma tante s’essuyait les yeux, elle pleurait, elle riait, elle se moquait de sa propre faiblesse). Enfin je me hasardai à dire :

« Vous avez pris un parti pour l’avenir, mon bon ami ? J’ai à peine besoin de vous le demander ?

— Oui, maître Davy, répondit-il, et je l’ai dit à Émilie. Il y a de grands pays, loin d’ici. Notre vie future se passera au delà des mers !

— Ils vont émigrer ensemble, ma tante vous l’entendez !

— Oui ! dit M. Peggotty avec un sourire plein d’espoir ; en Australie, personne n’aura rien à reprocher à mon enfant. Nous recommencerons là une nouvelle vie. »

Je lui demandai s’il savait déjà à quelle époque ils par- tiraient.

« J’ai été à la douane ce matin, monsieur, me répondit-il, pour prendre des renseignements sur les vaisseaux en partance. Dans six semaines ou deux mois il y en aura un qui