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Ma tante poussa un profond soupir, puis elle lissa soigneusement avec sa main les plis de sa robe.

« Voilà ! mon ami, dit-elle. Maintenant vous savez tout, le commencement, le milieu et la fin. Nous n’en parlerons plus ; et, bien entendu, vous n’en ouvrirez la bouche à personne. C’est l’histoire de mes sottises, Trot, gardons-la pournous ! »


Je travaillais activement à mon livre, sans interrompre mes occupations de sténographe, et, quand il parut, il obtint un grand succès. Je ne me laissai point étourdir par les louanges qui retentirent à mes oreilles, et pourtant j’en jouis vivement et je pensai plus de bien encore de mon œuvre, sans nul doute, que tout le monde. J’ai souvent remarqué que ceux qui ont des raisons légitimes d’estimer leur propre talent n’en font pas parade aux yeux des autres pour se recommander à l’estime publique. C’est pour cela que je restais modeste, par respect pour moi-même. Plus on me donnait d’éloges, plus je m’efforçais de les mériter.

Mon intention n’est pas de raconter, dans ce récit complet d’ailleurs de ma vie, l’histoire aussi des romans que j’ai mis au jour. Ils peuvent parler pour eux et je leur en laisserai le soin ; je n’y fais allusion ici en passant que parce qu’ils servent à faire connaître en partie le développement de ma carrière.

J’avais alors quelque raison de croire que la nature, aidée par les circonstances, m’avait destiné à être auteur ; je me livrais avec assurance à ma vocation. Sans cette confiance, j’y aurais certainement renoncé pour donner quelque autre but à mon énergie. J’aurais cherché à découvrir ce que la nature et les circonstances pouvaient réellement faire de moi pour m’y vouer exclusivement.

J’avais si bien réussi depuis quelque temps dans mes essais littéraires, que je crus pouvoir raisonnablement, après un nouveau succès, échapper enfin à l’ennui de ces terribles débats.