Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 2.djvu/136

Cette page n’a pas encore été corrigée

Douvres, sous prétexte de voir si tout se passait bien dans son cottage qu’elle avait loué, et dans le but de renouveler le bail avec le locataire actuel. Jeannette était entrée au service de mistress Strong, où je la voyais tous les jours. Elle avait été indécise en quittant Douvres, si elle confirmerait ou renierait une bonne fois ce renoncement dédaigneux au sexe masculin, qui faisait le fond de son éducation. Il s’agissait pour elle d’épouser un pilote. Mais, ma foi ! elle ne voulut pas s’y risquer, moins, pour l’honneur du principe en lui-même, je suppose, que parce que le pilote n’était pas de son goût.

Bien qu’il m’en coûtât de quitter miss Mills, j’entrai assez volontiers dans les intentions de ma tante cela me permettait de passer quelques heures paisibles auprès d’Agnès. Je consultai le bon docteur pour savoir si je pouvais faire une absence de trois jours ; il me conseilla de la prolonger un peu, mais j’avais le cœur trop à l’ouvrage pour prendre un si long congé. Enfin je me décidai à partir.

Quant à mon bureau des Doctors’-Commons, je n’avais pas grande raison de m’inquiéter de ce que je pouvais y avoir à faire. À vrai dire, nous n’étions pas en odeur de sainteté parmi les procureurs de première volée, et nous étions même tombés dans une position équivoque. Les affaires n’avaient pas été brillantes du temps de M. Jorkins, avant M. Spenlow, et bien qu’elles eussent été plus animées depuis que cet associé avait renouvelé, par une infusion de jeune sang, la vieille routine de l’étude, et qu’il lui eût donné quelque éclat par le train qu’il menait, cependant elle ne reposait pas sur des bases assez solides, pour que la mort soudaine de son principal directeur ne vînt pas l’ébranler. Les affaires diminuèrent sensiblement. M. Jorkins, en dépit de la réputation qu’on lui faisait chez nous, était un homme faible et incapable, et sa réputation au dehors n’était pas de nature à relever son crédit. J’étais placé auprès de lui, depuis la mort de M. Spenlow, et chaque fois que je lui voyais prendre sa prise de tabac, et laisser là son travail, je regrettais plus que jamais les mille livres sterling de ma tante.

Ce n’était pas encore là le plus grand mal. Il y avait dans les Doctors’Commons une quantité d’oisifs et de coulissiers qui, sans être procureurs eux-mêmes, s’emparaient d’une partie des affaires, pour les faire exécuter ensuite par de véritables procureurs disposés à prêter leurs noms en échange d’une part dans la curée. Comme il nous fallait des affaires à