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que, lorsqu’il y avait à dîner sur la table de M. Creakle de la viande chaude et de la viande froide, il était convenu que M. Sharp devait toujours préférer la froide. Ce fait nous fut de nouveau confirmé par Steerforth, le seul admis aux honneurs de la table de M. Creakle. J’appris que la perruque de M. Sharp n’allait pas à sa tête, et qu’il ferait mieux de ne pas tant faire son fier avec sa perruque, parce qu’on voyait ses cheveux roux passer par-dessous.

J’appris qu’un des élèves était le fils d’un marchand de charbon, et qu’on le recevait dans la pension en payement du compte de charbon, ce qui lui avait valu le surnom de M. Troc, sobriquet emprunté au chapitre du livre d’arithmétique, qui traitait de ces matières. Quant à la bière, disait-on, c’est un vol fait aux parents, aussi bien que le pudding. On croyait, en général, que miss Creakle était amoureuse de Steerforth. Quoi de plus probable, me disais-je, tandis qu’assis dans les ténèbres, je songeais à la voix si douce, au beau visage, aux manières élégantes, aux cheveux bouclés de mon nouvel ami ? J’appris aussi que M. Mell était un assez bon garçon, mais qu’il n’avait pas six pence à lui appartenant, et qu’à coup sûr la vieille Mme Mell, sa mère, était pauvre comme Job. Cela me rappela mon déjeuner où j’avais cru entendre : « Mon Charles ! » Mais, grâce à Dieu, je me rappelle aussi que je n’en soufflai mot à personne.

Toute cette conversation se prolongea un peu de temps après le banquet. La plus grande partie des convives étaient allés se coucher dès que le repas avait été terminé, et nous finîmes par les imiter après être restés encore à chuchoter et à écouter tout en nous déshabillant.

« Bonsoir, petit Copperfield, dit Steerforth, je prendrai soin de vous.

— Vous êtes bien bon, dis-je, le cœur plein de gratitude. Je vous remercie beaucoup.

— Avez-vous une sœur ? dit Steerforth, tout en bâillant.

— Non, répondis-je.

— C’est dommage, dit Steerforth. Si vous en aviez eu une, je crois que ce serait une gentille petite personne, timide, jolie, avec des yeux très-brillants. J’aurais aimé à faire sa connaissance. Bonsoir, petit Copperfteld.

— Bonsoir, monsieur, répondis-je. Je ne pensai qu’à lui au fond de mon lit, je me soulevai pour le regarder ; couché au clair de la lune, sa jolie figure tournée vers moi, la tête