Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

que, lorsqu’on s’arrêta sur la route pour prendre d’autres voyageurs, on me mit dans l’intérieur où il n’y avait personne, et là je dormis profondément, jusqu’à une longue montée que les chevaux gravirent au pas entre de grands arbres. Bientôt la diligence s’arrêta ; elle avait atteint sa destination.

Après quelques minutes de marche nous arrivâmes le maître d’études et moi, à Salem-House ; un grand mur de briques formait l’enceinte, et le tout avait l’air fort triste. Sur une porte pratiquée dans le mur était placé un écriteau où on lisait Salem-House. Nous vîmes bientôt paraître, à une petite ouverture près de la porte, un visage maussade, qui appartenait à ce que je vis, lorsque la porte nous fut ouverte, à un gros homme, avec un cou énorme comme celui d’un taureau, une jambe de bois, un front bombé, et des cheveux coupés ras tout autour de la tête.

« C’est le nouvel élève, » dit le maître d’études.

L’homme à la jambe de bois m’examina de la tête aux pieds, ce qui ne fut pas long, car je n’étais pas bien grand, puis il referma la porte derrière nous, et prit la clef. Nous nous dirigions vers la maison, au milieu de grands arbres au feuillage sombre, quand il appela mon conducteur.

« Holà ! »

Nous nous retournâmes ; il était debout à la porte de la petite loge, où il demeurait, une paire de bottes à la main.

« Dites donc ! le savetier est venu depuis que vous êtes sorti, monsieur Mell, et il dit qu’il ne peut plus du tout les raccommoder. Il prétend qu’il ne reste pas un seul morceau de la botte primitive, et qu’il ne comprend pas que vous puissiez lui demander de les réparer. »

En parlant ainsi il jeta les bottes devant M. Mell qui retourna quelques pas en arrière pour les ramasser, et qui les regarda de l’air le plus lamentable, en venant me retrouver. J’observai alors, pour la première fois, que les bottes qu’il portait étaient fort usées, et qu’il y avait même un endroit par où son bas sortait, comme un bourgeon qui veut percer l’écorce ?

Salem-House était un bâtiment carré bâti en briques avec deux pavillons sur les ailes, le tout d’une apparence nue et désolée. Tout ce qui l’entourait était si tranquille que je dis à M. Mell que probablement les élèves étaient en promenade, mais il parut surpris de ce que je ne savais pas qu’on était en vacances, et que tous les élèves étaient chez leurs parents,