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chassé de sa maison et obligé de coucher sur une digue, monsieur David, dit M. Peggotty avec le même orgueil qu’un moment auparavant, je crois vraiment qu’elle voudrait l’accompagner ; mais je vais être bientôt supplanté par un autre, n’est-ce pas, Émilie ? »

En montant un moment après, il me sembla, lorsque je passai près de la porte de ma petite chambre qui était plongée dans l’obscurité, que j’y apercevais Émilie étendue sur le plancher ; mais je ne sais pas, à l’heure qu’il est, si c’était elle ou si ce n’était pas une illusion des ombres qui confondaient tout à ma vue dans les ténèbres de ma chambre.

J’eus le loisir de réfléchir, devant le feu de la cuisine, à la terreur de la mort qu’éprouvait la jolie petite Émilie, et je crus que c’était là avec les autres raisons que m’avait données M. Omer, la cause du changement qui s’était opéré en elle. J’eus le loisir, avant de voir paraître Peggotty, de penser avec plus d’indulgence à cette faiblesse, tout en comptant les battements du balancier de l’horloge et en ressentant de plus en plus la solennité du silence profond qui régnait autour de moi. Peggotty me serra dans ses bras, et me remercia mille et mille fois d’être venu la consoler ainsi dans ses chagrins (ce furent ses propres paroles). Elle me pria ensuite de monter avec elle, et me dit en sanglotant que M. Barkis m’aimait toujours ; qu’il lui avait souvent parlé de moi avant de perdre connaissance, et que, dans le cas où il reviendrait à lui, elle était sûre que ma présence lui ferait plaisir, s’il pouvait encore prendre plaisir à quelque chose dans ce monde.

C’était une chose bien invraisemblable, à ce qu’il me parut quand je le vis. Il était couché, avec la tête et les épaules hors du lit, dans une position très-incommode, à demi appuyé sur le coffre qui lui avait coûté tant de peine et de soucis. J’appris que lorsqu’il n’avait plus été capable de se traîner hors du lit pour l’ouvrir, ni de s’assurer qu’il était là, au moyen de la baguette divinatoire dont je lui avais vu faire usage, il l’avait fait placer sur une chaise à côté de son lit, où il le tenait dans ses bras nuit et jour. Il s’y appuyait en ce moment même ; le temps et la vie lui échappaient, mais il tenait encore son coffre, et les dernières paroles qu’il avait prononcées, pour écarter les soupçons c’était : « des vieux habits ! »

« Barkis, mon ami, dit Peggotty, d’un ton qu’elle tâchait de rendre enjoué en se penchant sur lui, pendant que son frère