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« Qu’est-ce qui vous fait supposer qu’il y ait une demoiselle là-dessous, mistress Crupp ? »

— Monsieur Compère fils, dit mistress Crupp d’un ton de sensibilité, moi aussi, je suis mère ! »

Pendant un moment mistress Crupp ne put faire autre chose que de se tenir la main appuyée sur son sein nankin, et de prendre des forces préventives contre la retour de ses coliques en sirotant sa médecine. Enfin elle me dit :

« Quand votre chère tante loua pour vous cet appartement, monsieur Compère fils, je me dis : « J’ai enfin trouvé quelqu’un à aimer ; le ciel en soit loué ; j’ai enfin trouvé quelqu’un à aimer ! » Voilà mon expression… Vous ne mangez pas assez, monsieur, et vous ne buvez pas non plus.

— Est-ce là-dessus que vous fondez vos suppositions, mistress Crupp ? demandai-je.

— Monsieur, dit mistress Crupp d’un ton qui approchait de la sévérité, j’ai fait le ménage de beaucoup de jeunes gens. Un jeune homme peut prendre trop de soin de sa personne, on bien n’en prendre pas assez. Il peut se coiffer avec trop de soin, ou ne pas même faire sa raie de côté. Il peut porter des bottes trop larges ou trop étroites, cela dépend du caractère ; mais quelle que soit l’extrémité dans laquelle il se jette, dans l’un ou l’autre cas, monsieur, il y a toujours une demoiselle là-dessous. »

Mistress Crupp secoua la tête d’un air si déterminé que je ne savais plus quelle contenance faire.

« Le monsieur qui est mort ici avant vous, dit mistress Crupp, eh bien ! il était devenu amoureux… d’une servante d’auberge, et aussitôt il fit rétrécir tous ses gilets, pour ne pas paraître gonflé comme il était par la boisson.

— Mistress Crupp, lui dis-je, je vous prierai de ne pas confondre la jeune personne dont il s’agit avec une servante d’auberge ou avec toute autre créature de cette espèce, s’il vous plaît.

— M. Compère fils, repartit mistress Crupp, moi aussi je suis mère, et ce que vous dites là n’est pas probable. Je vous demande pardon de mon indiscrétion monsieur. Je n’ai aucun désir de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais vous êtes jeune, M. Compère fils, et mon avis est que vous preniez courage, que vous ne vous laissiez pas abattre, ni que vous vous estimiez à votre valeur. Si vous pouviez vous occuper à quelque chose monsieur, dit mistress Crupp, par