Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/374

Cette page n’a pas encore été corrigée

je fus souvent réveillé pendant la nuit, en l’entendant frapper à ma porte et me demander, toutes les fois qu’elle distinguait dans la lointain le bruit des fiacres et des charrettes, « si j’entendais venir les pompes ; » mais, vers le matin, elle se laissa gagner par le sommeil, et me permit de dormir en paix.

Vers midi, nous prîmes le chemin de l’étude de MM. Spenlow et Jorkins, près de la cour des Doctors’-Commons. Ma tante qui avait sur Londres, en général, l’idée que tous les hommes qu’elle rencontrait étaient des voleurs, me donna sa bourse à garder : elle contenait deux cents francs en or, et quelque menue monnaie.

Nous nous arrêtâmes un moment devant la boutique de joujoux de Fleet-Street, à voir les géants de Saint-Dunstan sonner la cloche ; nous avions calculé notre promenade de manière à y arriver juste à midi pour les voir accomplir cet exercice ; puis nous reprîmes le chemin de Ludgate-Hill et du cimetière Saint-Paul. Nous allions arriver à notre première destination, quand je m’aperçus que ma tante pressait le pas d’un air effrayé ; je remarquai, en même temps, qu’un homme mal vêtu et de mauvaise mine, qui s’était arrêté pour nous regarder un moment auparavant en passant à côté de nous, nous suivait de si près que ses habits frôlaient la robe de ma tante.

« Trot, mon cher Trot, me dit-elle à voix basse et d’un ton d’effroi, en me serrant le bras ; je ne sais que faire !

— Ne craignez rien, lui dis-je ; il n’y a pas de quoi s’effrayer. Entrez dans une boutique, et je vous aurai bientôt débarrassée de cet homme.

— Non, non, mon enfant, répliqua-t-elle, ne lui parlez pas, pour rien au monde ! je vous en conjure ! je vous l’ordonne !

— Grand dieu, ma tante ! lui dis- je, mais ce n’est qu’un mendiant effronté.

— Vous ne savez pas qui c’est, répliqua ma tante ; vous ne savez pas qui c’est ! vous ne savez pas ce que vous dites ! »

Pendant cet épisode, nous nous étions arrêtés sous une porte cochère, et il s’était arrêté aussi.

« Ne le regardez pas, dit ma tante, au moment où je me retournais avec indignation ; appelez un fiacre, mon cher enfant, et attendez-moi dans le cimetière de Saint-Paul.

— Vous attendre ? répétai-je.

— Oui, repartit ma tante ; il faut que vous me laissiez seule ; il faut que j’aille avec lui.