Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/360

Cette page n’a pas encore été corrigée

que nous ne tarderions pas à nous revoir, et me demanda la main pour descendre de son poste élevé. Grâce à ce secours, elle descendit très-lestement et commença à replier son double menton par-dessus les cordons de son chapeau.

« Je vous dois… ? dit Steerforth.

— Cinq shillings, dit miss Mowcher, et c’est pour rien, mon garçon. N’est-ce pas que je suis bien folichonne, monsieur Copperfield ? »

Je répondis poliment par un, « mais non. » Ce qui ne m’empêchait pas de protester intérieurement contre cet aveu pusillanime, quand je la vis l’instant d’après jeter en l’air sa pièce de cinq shillings, la rattraper comme un escamoteur et la glisser dans sa poche en frappant dessus.

« C’est là la petite caisse, dit miss Mowcher, qui s’approcha ensuite de la chaise, et remit dans le sac tous les menus objets qu’elle en avait sortis. Voyons, dit-elle, ai-je bien toutes mes affaires ? Il me semble que oui. Il ne serait pas agréable de se trouver dans la situation de Ned Bradwood, quand on le mena à l’église pour lui faire épouser quelqu’un, comme il disait, et qu’on avait oublié la mariée. Ah ! ah ! ah ! un franc mauvais sujet que ce Ned, mais il est si drôle ! Maintenant je sais que je vais vous briser le cœur, mais je suis obligé de vous quitter. Prenez votre courage à deux mains et tachez de supporter ce coup. Bonsoir, monsieur Copperfield ! soignez-vous bien, Jockey de Norfolk ! Ai-je assez babillé ! C’est votre faute, petits coquins. Allez, je vous pardonne ! Boun’soir comme disait Bob, après sa première leçon de français, « Boun’soir, mes enfants ! »

Son sac suspendu à son bras, et jacassant toujours, elle s’avança en se balançant vers la porte, et s’arrêta tout à coup pour demander si nous ne voulions pas une mèche de ses cheveux. « Vous devez me trouver bien folichonne ? » dit-elle en guise de commentaire à cette proposition, et elle disparut le doigt appuyé sur son nez.

Steerforth riait si fort que je ne pus m’empêcher d’en faire autant ; je ne sais sans cela si j’aurais ri. Après cette explosion de gaieté qui dura un moment, il me dit que miss Mowcher. avait une clientèle très-étendue, et qu’elle se rendait utile à quantité de gens de toute manière. Il y avait des personnes qui la traitaient légèrement comme un échantillon des excentricités de la nature, mais elle avait l’esprit observateur et fin autant que qui que ce fût ; si elle avait les bras