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fûmes seuls, je voudrais bien savoir ce que vous faites, où vous allez, tout ce qui vous intéresse ; il me semble que vous êtes ma propriété. »

Je rougis de plaisir en voyant qu’il me portait encore tant d’intérêt, et je lui dis les intentions de ma tante en me faisant faire ce petit voyage.

« Puisque vous n’êtes pas pressé, dit Steerforth, venez donc avec moi à Highgate : vous resterez chez nous un jour ou deux. Ma mère vous plaira ; elle est si vaine de moi qu’elle en rabâche un peu, mais vous n’avez qu’à lui passer cela, et vous êtes sûr de lui plaire.

— Je voudrais en être aussi assuré que vous voulez bien le dire, lui répondis-je en souriant. « 

— Oh ! dit Steerforth, tous ceux qui m’aiment ont sur elle des droits qu’elle reconnaît à l’instant.

— Alors je m’attends à être dans ses bonnes grâces.

— À la bonne heure ! dit Steerforth, venez en faire l’épreuve. Nous allons voir les curiosités de la ville pendant une heure ou deux ; on n’a pas toujours la bonne fortune de les montrer à un innocent comme vous, Copperfield, et puis nous prendrons la diligence de Highgate. »

Je croyais rêver, j’avais peur de me réveiller dans la chambre numéro quarante-quatre, pour aller retrouver une table solitaire dans la salle à manger, avec un garçon impertinent. Après avoir écrit à ma tante et lui avoir appris que j’avais rencontré mon ancien camarade, l’objet de tant d’admiration, et que j’avais accepté son invitation, nous montâmes dans un fiacre pour aller voir un panorama et quelques autres spectacles curieux ; nous fîmes un tour dans le musée et je ne pus m’empêcher de remarquer à la fois tout ce que Steerforth savait sur les sujets les plus variés, et le peu de cas qu’il semblait faire de son instruction.

« Vous gagnerez les honneurs aux examens de l’université, Steerforth, lui dis-je, si ce n’est déjà fait, et vos amis auront de bonnes raisons d’être fiers de vous.

— Moi, passer un examen brillant ! s’écria Steerforth ; non, non, ma chère Pâquerette (ça ne vous contrarie pas que je vous appelle Pâquerette ?).

— Pas le moins du monde, répondis-je.

— Vous êtes un bon garçon, ma chère Pâquerette, dit Steerforth en riant, je n’ai pas le moindre désir ni la moindre intention de me distinguer de cette manière. J’en sais bien assez