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Je lui pris les deux mains et je ne pouvais me décider à les lâcher. Sans la fausse honte et la crainte de lui déplaire, je lui aurais sauté au cou eu fondant en larmes.

« Je n’ai jamais été aussi heureux, mon cher Steerforth. Que je suis content de vous voir !

— Et moi aussi, j’en suis charmé, dit- il en me serrant cordialement la main. — Allons, Copperfield, mon garçon, pas tant d’émotion ! »

Je crois pourtant qu’il n’était pas fâché de voir la joie que j’éprouvais en le revoyant.

J’essuyai à la hâte les larmes que je n’avais pu retenir, malgré tous mes efforts, et j’essayai de rire ; puis nous nous assîmes à coté l’un de l’autre.

« Et comment vous trouvez-vous ici ? me dit Steerforth en me frappant sur l’épaule.

— Je suis arrivé aujourd’hui par la diligence de Canterbury. J’ai été adopté par une tante qui vit par là, et je viens d’y finir mon éducation. Et vous, comment vous trouvez-vous ici, Steerforth ?

— Eh bien ! mais, je suis ce qu’on appelle un étudiant d’Oxford, c’est-à-dire que je suis allé m’ennuyer là à mourir trois fois par an, et maintenant je retourne chez ma mère. Vous êtes, ma foi, le plus joli garçon du monde, avec votre mine avenante, Copperfield pas changé du tout ; maintenant que je vous regarde, vous êtes toujours le même !

— Oh ! moi, je vous ai reconnu tout de suite, lui dis-je ; mais vous, on ne vous oublie pas si facilement. »

Il se mit à rire en passant la main dans les boucles épaisses de ses cheveux et me dit gaiement :

« Vous me voyez, dit-il, en chemin pour aller rendre mes devoirs à ma mère ; elle demeure près de Londres, mais les routes sont si mauvaises et on s’ennuie tant chez nous, que je suis resté ici ce soir, au lieu de pousser jusqu’à la maison. Il n’y a que quelques heures que je suis en ville, et j’ai passé mon temps à grogner et à dormir au spectacle.

— Justement j’en viens aussi ; j’étais à Covent-Garden. Quel magnifique théâtre, Steerforth ! et quelle délicieuse soirée j’ai passé là ! »

Steerforth riait de tout son cœur.

« Mon cher David, dit-il en me frappant de nouveau sur l’épaule, vous êtes une fleur des champs ! La pâquerette au lever du soleil n’est pas plus pure et plus innocente que vous !