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J’allai d’abord à Canterbury pour dira adieu à Agnès et à M. Wickfield, ainsi qu’au bon docteur ; je n’avais pas encore donné congé de mon ancienne chambre chez M. Wickfield. Agnès fut enchantée de me voir, et me dit que la maison ne lui semblait plus la même depuis que je l’avais quittée.

« Je ne me trouve plus le même non plus depuis que je suis loin de vous, lui dis-je. Il me semble que j’ai perdu mon bras droit, ce n’est pas assez dire, car je ne suis pas plus sûr de ma tête et de mon cœur qui n’ont rien à faire avec mon bras droit. Tous les gens qui vous connaissent vous consultent, et se laissent guider par vous, Agnès.

— Tous les gens qui me connaissent me gâtent, je crois, dit Agnès en souriant.

— Non. C’est parce que vous ne ressemblez à personne. Vous êtes si bonne et d’un caractère si charmant ! Comment faites-vous pour être d’un naturel si doux, et pour avoir toujours raison ?

— Vous me parlez comme si j’étais miss Larkins avant son mariage, me dit-elle avec un rire plein de gaieté, tout en continuant son ouvrage.

— Allons ! ce n’est pas bien d’abuser de ma confiance, lui répondis-je en rougissant au souvenir de mon idole aux rubans bleus, et cependant je ne saurais m’empêcher de me confier en vous, Agnès. Je ne perdrai jamais cette habitude. Si j’ai des chagrins ou que je devienne amoureux, je vous dirai tout, si vous voulez bien, même quand il m’arrivera de devenir amoureux pour tout de bon.

— Mais vous avez toujours été amoureux pour tout de bon, dit Agnès en riant de nouveau.

— Oh ! j’étais un enfant, un simple écolier, dis-je en riant aussi, mais avec un peu de confusion. Les temps sont changés, et je suppose qu’un jour je prendrai cette affaire-là terriblement au sérieux. Ce qui m’étonne, c’est que vous-même vous n’en soyez pas encore arrivée-là, Agnès. »

Agnès riait en secouant la tête.

« Oh ! je sais bien que non ; vous me l’auriez dit, ou du moins, repris-je en la voyant rougir légèrement, vous me l’auriez laissé deviner. Mais je ne connais personne qui soit digne de vous aimer, Agnès. Il faudra que je fasse la connaissance d’un homme d’un caractère plus élevé et doué de plus de mérite que tous ceux que j’ai vus ici pour donner mon consentement. À l’avenir j’aurai l’œil sur tous vos admirateurs ;