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avons vu la Medway. Mon opinion sur le commerce du charbon par cette rivière est qu’il y faut peut-être de la capacité, mais qu’il y faut certainement des capitaux. M. Micawber a de la capacité, mais il n’a pas de capitaux. Nous avons visité, je crois, la plus grande partie du cours de la Medway, et c’est la conclusion à laquelle je suis arrivée, d’après mon opinion personnelle. Pendant que nous en étions si près, M. Micawber a trouvé que ce serait une folie de ne pas faire un pas de plus pour voir la cathédrale, d’abord, parce que nous ne l’avions jamais vue et qu’elle en vaut la peine, et ensuite, parce qu’il y avait beaucoup de probabilités de rencontrer une bonne chance dans une ville qui possède une cathédrale. Nous sommes ici depuis trois jours, continua mistress Micawber, et il ne s’est pas encore présenté de bonne chance. Vous serez moins étonné que le serait un étranger, mon cher monsieur Copperfield, en apprenant que nous attendons pour le moment de l’argent venant de Londres pour solder nos dépenses dans cet hôtel. Jusqu’à l’arrivée de cette somme, dit mistress Micawber avec beaucoup d’émotion, je suis privée de retourner chez moi (je veux dire dans mon garni de Pentonville) et d’aller revoir mon fils, ma fille et mes jumeaux. »

J’éprouvais la plus vive sympathie pour M. et mistress Micawber dans ces circonstances difficiles, et je le dis à M. Micawber qui venait de rentrer, en ajoutant que je regrettais seulement de ne pas avoir assez d’argent pour leur prêter la somme qui leur était nécessaire. La réponse de M. Micawber indiquait l’agitation de son esprit. Il me dit en me donnant une poignée de mains : « Copperfle1d, vous êtes un véritable ami, mais en mettant toutes choses au pis, un homme qui possède un rasoir n’est jamais dépourvu d’un ami. » À cette terrible idée, mistress Micawber jeta ses bras autour du cou de M. Micawber en le conjurant de se calmer. Il pleura, mais il ne fut pas long à se remettre, car, l’instant d’après, il sonna pour commander au garçon des rognons à la brochette et des crevettes pour le déjeuner du lendemain matin.

Quand je pris congé d’eux, ils me pressèrent tous les deux si vivement de venir dîner avec eux avant leur départ qu’il me fut impossible de refuser. Mais comme je savais que je ne pourrais pas venir le lendemain, et que j’aurais beaucoup de devoirs à préparer le soir, il fut convenu que M. Micawber passerait dans la soirée chez le docteur Strong (il était convaincu que les fonds qu’il attendait de Londres devaient