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J’étais très-pressé d’emmener M. Micawber, et je répondis en tenant mon chapeau, et en rougissant beaucoup, j’en suis sûr, que j’étais élève du docteur Strong.

« Élève ! dit M. Micawber relevant ses sourcils. Je suis enchanté de ce que vous me dites là. Quoiqu’un esprit comme celui de mon ami Copperfield ne demande pas toute la culture qui lui serait nécessaire ne possédait pas, comme il fait, toute la connaissance des hommes et des choses, continua-t-il en s’adressant à Uriah et à mistress Heep, ce n’en est pas moins un sol bien riche à cultiver, et d’une fertilité cachée ; en un mot, dit M. Micawber en souriant dans un nouvel accès de confiance, c’est une intelligence capable d’acquérir une instruction classique du plus haut degré. »

Uriah, frottant lentement ses longues mains, fit un mouvement du buste pour exprimer qu’il partageait cette opinion.

« Voulez-vous que nous allions voir mistress Micawber ? dis- je, dans l’espérance d’entraîner M. Micawber.

— Si vous voulez bien lui faire ce plaisir, Copperfield, répliqua-t-il en se levant. Je n’ai point de scrupule à dire, devant nos amis ici présents, que j’ai lutté depuis plusieurs années contre des embarras pécuniaires (j’étais sûr qu’il dirait quelque chose de ce genre, il ne manquait jamais de se vanter de ce qu’il appelait ses embarras) ; tantôt j’ai pu triompher de mes embarras, tantôt mes embarras m’ont… en un mot, m’ont mis à bas. Il y a eu des moments où je leur ai résisté en face, il y en a eu d’autres où j’ai cédé à leur nombre, et où j’ai dit à mistress Micawber dans le langage de Caton : « Platon, tu raisonnes à merveille, tout est fini, je ne lutterai plus ; » mais à aucune époque de ma vie, dit M. Micawber, je n’ai joui d’un plus haut degré de satisfaction que lorsque j’ai pu verser mes chagrins, si je puis appeler ainsi des embarras provenant de saisies mobilières, de billets et de protêts, dans le sein de mon ami Copperfield. »

Quand M. Micawber eut achevé de me rendre ce glorieux témoignage, « Bonsoir, monsieur Heep, ajouta-t-il je suis votre serviteur, mistress Heep ; » et il sortit avec moi de l’air le plus élégant, en faisant retentir les pavés sous les talons de ses bottes et en fredonnant un air le long du chemin.

L’auberge dans laquelle demeurait M. Micawber était petite, et la chambre qu’il occupait n’était pas grande non plus ; elle était séparée par une cloison de la salle commune et sentait une forte odeur de tabac. Je crois qu’elle devait être située au-