Page:Dickens - David Copperfield, Hachette, 1894, tome 1.djvu/269

Cette page n’a pas encore été corrigée

mot à l’oreille. Alors elle s’est retournée, et puis elle s’est trouvée mal ; je me suis arrêté pour le regarder, et il est parti ; mais ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est qu’il faut qu’il soit reste caché depuis… dans la terre, je ne sais où.

— Il est donc resté caché depuis lors ? demandai-je.

— Certainement, répliqua M. Dick en secouant gravement la tête. Il n’a jamais reparu jusqu’à hier soir. Noua faisions un tour de promenade quand il s’est de nouveau approché d’elle par derrière, et je l’ai bien reconnu.

— Et ma tante, est-ce qu’elle a encore eu peur?

— Elle s’est mise à trembler, dit M. Dick en imitant le mouvement et en faisant claquer ses dents ; elle s’est retenue contre la palissade ; elle a pleuré. Mais, Trotwood, venez ici. » Et il me fit approcher tout près de lui pour me parler très-bas :

« Pourquoi lui a-t-elle donné de l’argent au clair de la lune, mon garçon ?

— C’était peut-être un mendiant. »

M. Dick secoua la tête pour repousser absolument cette supposition, et, après avoir répété plusieurs fois du ton le plus positif : « Ce n’était pas un mendiant, ce n’était pas un mendiant, » il finit par me raconter qu’il avait vu plus tard, de sa fenêtre, quand la soirée était très-avancée, ma tante donner de l’argent, au clair de la lune, à cet homme qui était en dehors de la palissade du jardin, et qui s’était alors éloigné ; qu’il était peut-être rentré sous terre, c’était très-probable, mais que ce qu’il y avait de sûr, c’est qu’on ne l’avait plus revu ; quant à ma tante, elle était revenue bien vite dans la maison à pas de loup ; et même le lendemain matin, elle n’était pas comme à l’ordinaire, ce qui troublait beaucoup l’esprit de M. Dick.

Au début de l’histoire, je n’avais pas la moindre idée que cet inconnu fût autre chose qu’une création de l’imagination de M. Dick, tout comme ce malheureux prince qui lui causait tant de chagrins mais, après quelques réflexions, j’en vins à me demander si on n’avait pas fait la tentative ou la menace d’enlever le pauvre M. Dick à la protection de ma tante, et si, fidèle à cette affection pour lui dont elle m’avait entretenu elle-même, elle n’avait pas été obligée d’acheter à prix d’argent la paix, le repos de son protégé. Comme j’avais déjà un grand fond d’attachement pour M. Dick, et que je portais beaucoup d’intérêt à son bonheur, la crainte que j’avais moi-même de le perdre me fit accueillir plus volontiers cette supposition, et