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pensais à une chose, monsieur Dick, c’est que je pourrais l’appeler Trotwood ?

— Certainement, certainement, appelez-le Trotwood, dit M. Dick, Trotwood, fils de David Copperfield.

— Trotwood Copperfield, vous voulez dire ? repartit ma tante.

— Oui, sans doute, oui, Trotwood Copperfield, dit M. Dick un peu embarrassé. »

Ma tante fut si enchantée de son idée qu’elle marqua elle-même, avec de l’encre indélébile les chemises qu’on m’acheta toutes faites ce jour-là, avant de me les laisser mettre ; et il fut décidé que le reste de mon trousseau, qu’elle commanda immédiatement, porterait la même marque.

C’est ainsi que je commençai une via toute neuve, avec un nom tout neuf, comme le reste. Maintenant que mon incertitude était passée, je croyais rêver. Je ne me disais pas que ma tante et M. Dick faisaient deux étranges tuteurs. Je ne pensais pas à moi-même d’une manière positive. Ce qu’il y avait de plus clair dans mon esprit, c’est, d’une part, que ma vie passée à Blunderstone s’éloignait de plus en plus et semblait flotter dans le vague d’une distance infinie ; de l’autre, qu’un rideau venait de tomber pour toujours sur celle que j’avais menée chez Murdstone et Grinby. Personne n’a levé ce rideau depuis. Moi, je l’ai soulevé un moment d’une main timide et tremblante, même dans ce récit, et je l’ai laissé retomber avec joie. Le souvenir de cette existence est accompagné dans mon esprit d’une telle douleur, de tant de souffrance morale, d’une absence d’espérance si absolue, que je n’ai jamais eu le courage d’examiner combien de temps avait duré mon supplice. Est-ce un an, est-ce plus, est-ce moins ? Je n’en sais rien. Je sais seulement que cela fut, que cela n’est plus, que je viens d’en parler pour n’en plus reparler jamais.


M. Dick et moi, nous fûmes bientôt les meilleurs amis du monde, et quand il avait achevé son travail de la journée,