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LE CRICRI DU FOYER.

— Chère Berthe, oui. »

La jeune aveugle, roulant ses yeux éteints d’où s’échappaient un torrent de larmes, lui dit :

« Il n’est pas dans mon âme un vœu ou une pensée qui ne soit pour votre bonheur, belle May ; il n’est pas dans mon âme un souvenir plus profond et plus reconnaissant que celui de vos attentions pour l’aveugle Berthe, vous qui pouvez être si fière de vos yeux et de votre beauté ; mais vous fûtes toujours la même pour moi, alors que nous étions deux enfants, s’il y a une enfance aussi pour l’aveugle Berthe. J’appelle toutes les bénédictions sur votre tête — que le bonheur guide tous vos pas. Je ne le souhaite pas moins ardemment, ma bien chère, parce qu’aujourd’hui mon cœur a été presque brisé quand j’ai appris que vous alliez être sa femme. Mon père, May, et vous, Marie, ah ! pardonnez-moi à cause de tout ce qu’il a fait pour distraire les ennuis de la pauvre aveugle, pardonnez-moi à cause de votre confiance en moi, lorsque j’appelle le ciel à témoin que je ne pouvais lui désirer une femme plus digne de sa bonté. »

En parlant, elle avait quitté les mains de May pour s’attacher à ses vêtements dans une attitude de plus en plus suppliante, jusqu’à ce qu’en achevant son étrange confession, elle se laissa tomber enfin aux pieds de son amie et cacha dans les plis de sa robe sa tête aveugle.

« Grand Dieu ! s’écria son père, éclairé tout-à-coup