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LE CRICRI DU FOYER.

c’était du drap bleu — une belle redingote bleue…

— Faite aisée à la taille ! dit Caleb.

— Oui, aisée à la taille, s’écria la jeune aveugle riant de bon cœur ; je vous vois paré ainsi, cher père, avec votre œil gai, votre figure souriante, votre pas leste, vos cheveux noirs, l’air jeune et fier…

— Assez, assez, dit Caleb ; vous allez me rendre vain.

— Je crois que vous l’êtes déjà, s’écria la jeune aveugle toute joyeuse, en dirigeant vers lui son doigt indicateur. Je vous connais, mon père… Ah ! ah ! je vous ai deviné, voyez-vous. »

Quelle différence entre le Caleb peint dans son imagination et le Caleb qui était là assis, l’observant ! Elle avait parlé de son pas leste, elle ne se trompait pas en cela. Depuis des années, jamais Caleb n’avait franchi le seuil de la porte avec son pas traînant ; il entrait toujours en sautillant pour abuser son oreille… Jamais, alors que son cœur était le plus accablé, il n’avait oublié ce pas léger qui devait inspirer la gaîté et le courage au cœur de sa fille.

Dieu le sait ! mais je crois que l’air vague et égaré de Caleb provenait en grande partie de cette confusion que, pour l’amour de sa fille aveugle, il avait créée autour de lui. Comment le pauvre homme aurait-il pu ne pas avoir un peu d’égarement après avoir pendant si