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LES APPARITIONS DE NOËL.

il touchait presque un lit, un lit nu, sans rideaux, où, sous un linceul déchiré, reposait quelque chose qui était révélé par le silence même. La chambre était très-sombre, trop sombre pour être observée exactement, quoique Scrooge y promenât ses regards curieux, poussé par une impulsion secrète. Une pâle lumière projetait seule un rayon sur le lit et permettait d’y distinguer un cadavre dépouillé, abandonné, auprès duquel personne ne pleurait, personne ne veillait.

Scrooge tourna ses regards vers le fantôme. Celui-ci lui montrait du geste la tête de ce mort. Il n’eût fallu qu’un léger mouvement du doigt pour lever le suaire qui la voilait à peine : Scrooge y songea et il désirait le faire, mais il n’osa jamais.

« Ah ! se disait-il, si cet homme pouvait revivre, quelle serait sa pensée première ? Serait-ce une pensée d’avarice, de cupidité, de lucre ? Ces pensées-là ne l’ont-elles pas mené à une belle fin ! le voilà dans cette maison déserte, sans qu’un homme, une femme ou un enfant puisse dire : il fut bon pour moi, dans telle circonstance ; il m’adressa un mot bienveillant, et, en reconnaissance de ce mot, je respecte sa mémoire… »

Un léger bruit se fit entendre : un chat qui grattait à la porte ; et puis, sous la pierre du foyer, des rats qui rongeaient quelque chose. Que cherchaient-ils dans cette chambre mortuaire ? Pourquoi l’inquiétude de ces animaux ? Scrooge n’osa pas y penser longtemps.