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LES APPARITIONS DE NOËL.

pas assez fréquenté pour le savoir… Oh ! vous pouvez vous crever les yeux sur cette chemise, vous n’y trouverez pas un trou, ni une place usée. C’était sa meilleure et sa plus fine qu’on eut bien laissé perdre sans moi.

— Qu’appelez-vous laissé perdre ? demanda Joe.

— La lui mettre pour être enseveli, reprit-elle en riant, et quelqu’un avait été assez sot pour le faire, mais je la lui ai ôtée… le calicot est bien suffisant pour cet usage. Il n’est pas plus laid avec une chemise de calicot. »

Scrooge écoutait avec horreur ce dialogue. Ce groupe ramassé sur les dépouilles d’un mort et vu à la lueur d’une mauvaise lampe lui inspirait plus de dégoût que n’auraient pu en faire naître d’obscènes démons marchandant le cadavre même.

« Ha ! ha ! ajouta encore cette femme avec son ricanement cynique, lorsque Joe tirant de sa poche une bourse en flanelle compta à chacun ce qui lui revenait. Voilà comme cela finit. Il nous tenait tous bien loin de lui pendant sa vie pour nous donner des profits à sa mort. Ha ! ha ! ha !

— Esprit, dit Scrooge, frissonnant de la tête aux pieds… je comprends, je comprends le sort de cet infortuné pourrait être le mien. Ma vie actuelle me mène à cette fin. Miséricorde du ciel, qu’est ceci ? »

Il recula d’épouvante : la scène venait de changer, et