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LES APPARITIONS DE NOËL.

qu’il traite plus mal que la pauvreté, et rien qu’il prétende blâmer plus sévèrement que la poursuite de la richesse.

— Vous craignez trop le monde, répliquait la jeune fille ; toutes vos espérances se sont fondues dans celle d’échapper à ses reproches sordides ; j’ai vu vos plus nobles pensées s’évanouir une à une, jusqu’à ce que la passion dominante, la passion du lucre, vous ait absorbé. Ai-je tort ?

— Eh bien ! voyons, dit-il alors ; parce que je suis devenu plus sûr de moi-même et que j’ai acquis de l’expérience, ai-je changé à votre égard ? »

Elle secoua la tête.

« Répondez ? dit-il.

— Notre engagement date de loin : il fut conclu lorsque nous étions, vous et moi, pauvres, mais contents de pouvoir espérer que nous le serions quelque jour un peu moins, grâce à notre patiente industrie. Vous êtes changé : vous n’êtes plus ce que vous étiez alors.

— J’étais un enfant, répondit-il avec impatience.

— Vous sentez vous-même que vous n’étiez pas ce que vous êtes à présent, et moi je suis la même. Ce qui nous promettait le bonheur quand nous n’avions qu’un cœur n’est qu’une source de peines depuis que nous en avons deux. Que de fois cette pensée m’est revenue ! pensée amère… mais je m’y suis faite et je puis vous rendre votre liberté.