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LE CRICRI DU FOYER.

lèvres minces et bleuâtres, au son aigre de sa voix. Il y avait sur sa physionomie, sur toute sa personne, autour de lui, tous les signes de cette atmosphère glaciale dans laquelle il vivait, et dont la température se faisait sentir à tous ceux qui l’approchaient.

Personne ne l’aborda jamais dans la rue pour lui dire d’un air gai : « Mon cher Scrooge, comment vous portez-vous ? quand venez-vous me voir ? » Aucun mendiant n’eût osé implorer de lui une menue monnaie, aucun enfant ne lui demandait l’heure, jamais passant, homme ou femme, ne le pria de vouloir bien lui indiquer son chemin. Les chiens d’aveugle semblaient eux-mêmes le connaître, et tiraient leurs maîtres à droite ou à gauche pour l’éviter, en remuant la queue, comme pour dire : « Mieux vaut ne pas y voir du tout, pauvre aveugle, que d’avoir le mauvais œil. »

Mais qu’importait à Scrooge ? c’était au contraire ce qu’il voulait : écarter la foule du coude dans les sentiers populeux de la vie et tenir à distance toutes les sympathies humaines, c’était là le bonheur de Scrooge.

Un jour… de tous les bons jours de l’année, le meilleur, la veille de Noël… le vieux Scrooge était assis et occupé dans son comptoir. Il faisait froid, un froid piquant avec du brouillard par-dessus le marché ; Scrooge pouvait entendre dans la ruelle voisine les gens aller et venir, respirant avec bruit, se frappant la poitrine et piétinant sur le trottoir pour se réchauffer. Les horloges