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LES CARILLONS.

la chaussée ; mais telle était son opinion de sa force, qu’il était réellement inquiet pour son antagoniste, et il répéta : « J’espère que je ne vous ai pas fait mal. »

L’homme contre lequel il avait couru était un campagnard brûlé du soleil, aux cheveux hérissés et aux traits rudes, qui le regarda un moment comme s’il le soupçonnait de plaisanter ; mais, convaincu de sa bonne foi, il répondit : « Non, mon ami, vous ne m’avez pas fait mal.

— Ni à l’enfant, j’espère ? dit Trotty.

— Ni à l’enfant, reprit l’autre : je vous remercie 4e bon cœur ! »

Et en disant cela, il regardait une petite fille qu’il portait endormie dans ses bras ; puis, lui couvrant le visage avec un des coins du mouchoir déchiré qu’il portait autour du cou, il s’éloigna lentement.

Le ton avec lequel il avait dit : « Je vous remercie de bon cœur, » avait pénétré le cœur de Trotty : cet homme était si fatigué, si couvert de poussière, il paraissait si malheureux et si isolé, qu’il trouvait évidemment une consolation à pouvoir remercier quelqu’un même pour si peu. Toby le suivait des yeux pendant qu’il s’en allait péniblement avec l’enfant dans ses bras. Aveugle à tout ce qui se passait dans la rue, il ne voyait que cet homme avec les souliers usés, véritables ombres de souliers, avec des guêtres en cuir grossier, une blouse commune et un chapeau à bords rabattus.

Avant de disparaître dans l’ombre toujours crois-