Page:Dickens - Cri-cri du foyer, traduction Pichot, 1847.djvu/190

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
30
LES CARILLONS.

prendrai quelque chose. Vous arrachez votre plat de tripes, mon ami, de la bouche des veuves et des orphelins.

— J’espère que non, monsieur, dit Trotty d’un ton dolent ; j’aimerais mieux mourir de faim.

— Divisez le montant de tripes ci-dessus, alderman, continua M. Filer, par le chiffre moyen des veuves et des orphelins existants : le résultat sera un sou de tripes pour chacun ; il n’en restera pas un seul atome pour cet homme : par conséquent cet homme est un voleur. »

Trotty fut si ému qu’il vit sans regret l’alderman achever la tripe lui-même : ce lui était une consolation d’en être débarrassé, n’importe comment.

« Et que dites-vous ? demanda l’alderman avec son air joyeux, en s’adoucissant, au monsieur qui avait la figure rouge et l’habit bleu. Vous avez entendu Filer ; que dites-vous ?

— Que peut-on dire, répondit l’autre ; que peut-on dire ? qui peut prendre intérêt à un homme comme celui-là (désignant Trotty), dans des temps dégénérés comme le nôtre ? Regardez-le, quel objet ! Ah ! le bon vieux temps, le grand vieux temps, le noble vieux temps ! C’était là le temps pour une robuste race des paysans… le temps pour tout. Oui, c’était le temps pour toute espèce de choses ; dans le fait, il n’y a plus rien aujourd’hui. Ah ! s’écria-t-il en soupirant, le bon vieux temps, le bon vieux temps ! »