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LES CARILLONS.

par une de ces froides bises qui donnent la chair de poule, bleuissent le nez, bordent les yeux d’un cercle rouge, font claquer les dents, et convertissent les pieds en glaçons. Toby Veck le savait bien, exposé sans cesse comme il l’était à l’attaque personnelle du vent qui tournait tout-à-coup le coin de la place, surtout le vent d’est avec son souffle déchirant qui semble arriver des confins de la terre, d’autant plus que souvent ce vent perfide s’amusait à le surprendre, à lui courir sus à l’improviste, et à l’envelopper d’un tourbillon comme s’il se fût dit : « Ah ! le voilà. » Vainement Toby se couvrait la tête de son petit tablier de toile, comme fait un enfant maussade ; vainement il essayait de s’armer de sa faible et inutile canne pour ce duel inégal ; il sentait bientôt trembler violemment ses jambes, penchait le corps dans une attitude oblique, tantôt à droite, tantôt à gauche, frappait du pied, et résistait si mal aux secousses de la tourmente, qu’à tout moment il semblait sur le point d’être enlevé dans les airs comme un limaçon ou une grenouille, pour aller retomber, sous sa forme de commissionnaire, dans quelque région sauvage, dont les habitants se seraient émerveillés de cette pluie phénoménale.

Eh bien, un jour de vent, malgré toutes ses rigueurs, était encore comparativement un beau jour pour Toby : c’est un fait. Il semblait à Toby qu’avec le vent la pièce de six pence ne s’était pas fait attendre si longtemps ; sa