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LE CRICRI DU FOYER.

faisais, l’opposé en toutes choses, mon enfant… en toutes choses.

— Oh ! pourquoi, s’écria la jeune aveugle avec l’expression d’une indicible torture, pourquoi avez-vous pu faire cela ? Pourquoi avoir rempli vous-même mon cœur des objets de mon affection, et puis venir comme la Mort les en arracher ? Ô ciel ! combien je suis aveugle, abandonnée et seule !… »

Son père désolé pencha la tête, et ne répondit que par un soupir de douleur et de remords.

Elle subissait encore cette torture d’un moment, lorsque le Cricri du foyer, entendu d’elle seule, se mit à gresillonner, non pas gaîment, mais d’un ton bas, faible et mélancolique, si mélancolique, qu’elle commença à pleurer ; et lorsque la même vision qu’avait eue John la nuit précédente lui apparut aussi en lui montrant son père, ses larmes tombèrent plus abondantes.

Elle entendit plus clairement aussi la voix du Cricri, et eut dans sa cécité la révélation intime que la vision apparaissait à son père comme à elle.

— Marie, dit la jeune aveugle, dites-moi ce qu’est notre demeure, ce qu’elle est réellement ?

— C’est une pauvre demeure, Berthe, très-pauvre et très-triste, en vérité. La maison résistera difficilement un hiver de plus au vent et à la pluie ! Hélas ! continua Dot d’une voix tendre, mais claire ; elle est, Berthe, aussi mal protégée contre la saison que votre père dans son vêtement de grosse toile. »