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LE CRICRI DU FOYER.

que je vous l’ai représenté ; les yeux auxquels vous vous êtes fiée ont été des yeux menteurs ! »

Elle se retourna encore de son côté ; mais en reculant et se rapprochant de son amie.

« Votre sentier dans la vie était rude, ma pauvre enfant, poursuivit Caleb, et je voulais l’adoucir pour vous. J’ai altéré les objets, changé les caractères, inventé bien des choses qui n’ont jamais existé. Pour vous rendre plus heureuse, je vous ai caché la vérité… Dieu me le pardonne, et je vous ai entourée de fictions.

— Mais les personnes vivantes ne sont pas des fictions, dit-elle avec trouble, pâlissant et se retirant de lui… Vous ne pouvez les changer.

— Je l’ai fait, Berthe, dit Caleb. Il est quelqu’un que vous connaissez, ma colombe…

— Ah ! mon père, pourquoi dites-vous que je connais ? reprit-elle avec un accent de reproche… Qui et quoi puis-je connaître, moi qui n’ai pas de guide, moi si misérablement aveugle ? »

Dans l’angoisse de son cœur, elle étendit les mains comme si elle cherchait sa route à tâtons, puis les ramena sur son visage avec un geste de désespoir.

« Celui qui se marie aujourd’hui, dit Caleb, est un homme dur, sordide et tyrannique ; il est depuis des années pour vous et pour moi, ma chère, un maître exigeant, moins laid de visage que de caractère, toujours froid et insensible, l’opposé du portrait que je vous en