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LE CRICRI DU FOYER.

poussa d’abord toute pensée de colère et de vengeance, tenant toujours à conserver l’image brisée de son idole.

Mais peu à peu, progressivement, devant ce foyer devenu pour lui froid et sombre, John sentit naître d’autres pensées plus farouches, comme un vent d’orage s’élève tout-à-coup avec la nuit. L’étranger était sous son toit déshonoré. Trois pas le conduiraient à la porte de sa chambre ; un coup enfoncerait cette porte. « Vous pourriez commettre un meurtre avant de le savoir, » avait dit Tackleton. Comment pourrait-ce être un meurtre, s’il donnait au traître le temps de lutter avec lui ? N’était-il pas le plus jeune des deux ?

C’était une pensée funeste, qui venait mal à propos dans ce moment de sombres méditations. C’était une pensée de rage, le poussant à quelque acte de vengeance qui pourrait faire de son heureuse maison une de ces maisons maudites où les voyageurs solitaires redoutent de passer la nuit, — où les imaginations timides voient des ombres s’adresser de farouches regards à la lueur d’une lune nuageuse, — où ils entendent des bruits étranges, quand la tempête gronde.

L’étranger était le plus jeune ! oui, oui ; quelque amant qui avait séduit ce cœur que lui il n’avait jamais touché ; quelque amant choisi autrefois, à qui elle avait toujours rêvé, et pour qui elle avait langui et soupiré