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― Allez vous promener, repartit Pierre en faisant une grimace.

― Dame ! cela peut être ou ne pas être, l’un n’est pas plus sûr que l’autre, dit Bob. La chose peut arriver un de ces jours, quoique nous ayons, mon enfant, tout le temps d’y penser. Mais de quelque manière et dans quelque temps que nous nous séparions les uns des autres, je suis sûr que pas un de nous n’oubliera le pauvre Tiny Tim ; n’est-ce pas, nous n’oublierons jamais cette première séparation ?

― Jamais, mon père, s’écrièrent-ils tous ensemble.

― Et je sais, dit Bob, je sais, mes amis, que, quand nous nous rappellerons combien il fut doux et patient, quoique ce ne fût qu’un tout petit, tout petit enfant, nous n’aurons pas de querelles les uns avec les autres, car ce serait oublier le pauvre Tiny Tim.

― Non, jamais, mon père ! répétèrent-ils tous.

― Vous me rendez bien heureux, dit le petit Bob, oui, bien heureux ! »

Mme Cratchit l’embrassa, ses filles l’embrassèrent, les deux petits Cratchit l’embrassèrent, Pierre et lui se serrèrent tendrement la main. Âme de Tiny Tim, dans ton essence enfantine, tu étais une émanation de la divinité !

« Spectre, dit Scrooge, quelque chose me dit que l’heure de notre séparation approche. Je le sais, sans savoir comment elle aura lieu. Dites-moi quel était donc cet homme que nous avons vu gisant sur son lit de mort ? »

Le fantôme de Noël futur le transporta, comme auparavant (quoique à une époque différente, pensait-il, car ces dernières visions se brouillaient un peu dans son esprit ; ce qu’il y voyait de plus clair, c’est qu’elles se rapportaient à l’avenir), dans les lieux où se réunissent les gens d’affaires et les négociants, mais sans lui montrer son autre lui-même. À la vérité, l’esprit ne s’arrêta nulle part, mais continua sa course directement, comme pour atteindre plus vite au but, jusqu’à ce que Scrooge le supplia de s’arrêter un instant.

« Cette cour, dit-il, que nous traversons si vite, est depuis longtemps le lieu où j’ai établi le centre de mes occupations. Je reconnais la maison ; laissez-moi voir ce que je serai un jour. »

L’esprit s’arrêta ; sa main désignait un autre point.

« Voici la maison là-bas, s’écria Scrooge. Pourquoi me faites-vous signe d’aller plus loin ? »

L’inexorable doigt ne changeait pas de direction. Scrooge courut à la hâte vers la fenêtre de son comptoir et regarda dans