Page:Dickens - Contes de Noël, traduction Lorain, 1857.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’en sut pas davantage, car l’esprit ne prononçait pas une parole et ne faisait aucun mouvement.

« Suis-je en la présence du spectre de Noël à venir ? » dit Scrooge.

L’esprit ne répondit rien, mais continua de tenir la main tendue en avant.

« Vous allez me montrer les ombres des choses qui ne sont pas arrivées encore et qui arriveront dans la suite des temps, poursuivit Scrooge. N’est-ce pas, esprit ?  »

La partie supérieure de la robe du fantôme se contracta un instant par le rapprochement de ses plis, comme si le spectre avait incliné la tête. Ce fut la seule réponse qu’il en obtint.

Quoique habitué déjà au commerce des esprits, Scrooge éprouvait une telle frayeur en présence de ce spectre silencieux, que ses jambes tremblaient sous lui et qu’il se sentit à peine la force de se tenir debout, quand il se prépara à le suivre. L’esprit s’arrêta un moment, comme s’il eût remarqué son trouble et qu’il eût voulu lui donner le temps de se remettre.

Mais Scrooge n’en fut que plus agité ; un frisson de terreur vague parcourait tous ses membres, quand il venait à songer que derrière ce sombre linceul, des yeux de fantôme étaient attentivement fixés sur lui, et que, malgré tous ses efforts, il ne pouvait voir qu’une main de spectre et une grande masse noirâtre.

« Esprit de l’avenir ! s’écria-t-il ; je vous redoute plus qu’aucun des spectres que j’aie encore vus ! Mais, parce que je sais que vous vous proposez mon bien, et parce que j’espère vivre de manière à être un tout autre homme que je n’étais, je suis prêt à vous accompagner avec un cœur reconnaissant. Ne me parlerez-vous pas ? »

Point de réponse. La main seule était toujours tendue droit devant eux.

« Guidez-moi ! dit Scrooge, guidez-moi ! La nuit avance rapidement ; c’est un temps précieux pour moi, je le sais. Esprit, guidez-moi. »

Le fantôme s’éloigna de la même manière qu’il était venu. Scrooge le suivit dans l’ombre de sa robe, et il lui sembla que cette ombre le soulevait et l’emportait avec elle.

On ne pourrait pas dire précisément qu’ils entrèrent dans la ville, ce fut plutôt la ville qui sembla surgir autour d’eux et les entourer de son propre mouvement. Toutefois, ils étaient au cœur même de la cité, à la bourse, parmi les négociants qui allaient deçà et delà en toute hâte, faisant sonner l’argent dans