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«  Ce sont les enfants des hommes, dit l’esprit, laissant tomber sur eux un regard, et ils s’attachent à moi pour me porter plainte contre leurs pères. Celui-là est l’ignorance ; celle-ci la misère. Gardez-vous de l’un et de l’autre et de toute leur descendance, mais surtout du premier, car sur son front je vois écrit : Condamnation. Hâte-toi, Babylone, dit-il en étendant sa main vers la cité ; hâte-toi d’effacer ce mot qui te condamne plus que lui ; toi à ta ruine, comme lui au malheur. Ose dire que tu n’en es pas coupable ; calomnie même ceux qui t’accusent : Cela peut servir au succès de tes desseins abominables. Mais gare la fin !

― N’ont-ils donc aucun refuge, aucune ressource ? s’écria Scrooge.

― N’y a-t-il pas des prisons ? dit l’esprit, lui renvoyant avec ironie pour la dernière fois ses propres paroles. N’y a-t-il pas des maisons de force ? »

L’horloge sonnait minuit.

Scrooge chercha du regard le spectre et ne le vit plus. Quand le dernier son cessa de vibrer, il se rappela la prédiction du vieux Jacob Marley, et, levant les yeux, il aperçut un fantôme à l’aspect solennel, drapé dans une robe à capuchon et qui venait à lui glissant sur la terre comme une vapeur.



QUATRIÈME COUPLET.

Le dernier des esprits.


Le fantôme approchait d’un pas lent, grave et silencieux. Quand il fut arrivé près de Scrooge, celui-ci fléchit le genou, car cet esprit semblait répandre autour de lui, dans l’air qu’il traversait, une terreur sombre et mystérieuse.

Une longue robe noire l’enveloppait tout entier et cachait sa tête, son visage, sa forme, ne laissant rien voir qu’une de ses mains étendues, sans quoi il eût été très-difficile de détacher cette figure des ombres de la nuit, et de la distinguer de l’obscurité complète dont elle était environnée.

Quand Scrooge vint se placer à ses côtés, il reconnut que le spectre était d’une taille élevée et majestueuse, et que sa mystérieuse présence le remplissait d’une crainte solennelle. Mais il