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leur faction. Mais chacun de ces hommes fredonnait un chant de Noël, ou pensait à Noël, ou rappelait à voix basse à son compagnon quelque Noël passé, avec les espérances qui s’y rattachent d’un retour heureux au sein de la famille. Tous, à bord, éveillés ou endormis, bons ou méchants, avaient échangé les uns avec les autres, ce matin-là, une parole plus bienveillante qu’en aucun autre jour de l’année ; tous avaient pris une part plus ou moins grande à ses joies ; ils s’étaient tous souvenus de leurs parents ou de leurs amis absents, comme ils avaient espéré tous qu’à leur tour ceux qui leur étaient chers éprouvaient dans le même moment le même plaisir à penser à eux.

Ce fut une grande surprise pour Scrooge, tandis qu’il prêtait l’oreille aux gémissements plaintifs du vent, et qu’il songeait à ce qu’avait de solennel un semblable voyage au milieu des ténèbres, par-dessus des abîmes inconnus dont les profondeurs étaient des secrets aussi impénétrables que la mort ; ce fut une grande surprise pour Scrooge, ainsi plongé dans ses réflexions, d’entendre un rire joyeux. Mais sa surprise devint bien plus grande encore quand il reconnut que cet éclat de rire avait été poussé par son neveu, et se vit lui-même dans une chambre parfaitement éclairée, chaude, brillante de propreté, avec l’esprit à ses côtés, souriant et jetant sur ce même neveu des regards pleins de douceur et de complaisance.

«  Ah ! ah ! ah ! faisait le neveu de Scrooge. Ah ! ah ! ah ! »

S’il vous arrivait, par un hasard peu probable, de rencontrer un homme qui sût rire de meilleur cœur que le neveu de Scrooge, tout ce que je puis vous dire, c’est que j’aimerais à faire aussi sa connaissance. Faites-moi le plaisir de me le présenter, et je cultiverai sa société.

Par une heureuse, juste et noble compensation des choses d’ici-bas, si la maladie et le chagrin sont contagieux, il n’y a rien qui le soit plus irrésistiblement aussi que le rire et la bonne humeur. Pendant que le neveu de Scrooge riait de cette manière, se tenant les côtes, et faisant faire à son visage les contorsions les plus extravagantes, la nièce de Scrooge, sa nièce par alliance, riait d’aussi bon cœur que lui ; leurs amis réunis chez eux n’étaient pas le moins du monde en arrière et riaient également à gorge déployée. Ah ! ah ! ah ! ah ! ah ! ah !

«  Oui, ma parole d’honneur, il m’a dit, s’écria le neveu de Scrooge, que Noël était une sottise. Et il le pensait !

― Ce n’en est que plus honteux pour lui, Fred ! » dit la nièce de Scrooge avec indignation. Car, parlez-moi des femmes, elles ne font jamais rien à demi ; elles prennent tout au sérieux.