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C’était bien son salon ; il n’y avait pas le moindre doute à cet égard ; mais son salon avait subi une transformation surprenante. Les murs et le plafond étaient si richement décorés de guirlandes de feuillage verdoyant, qu’on eût dit un bosquet véritable dont toutes les branches reluisaient de baies cramoisies. Les feuilles lustrées du houx, du gui et du lierre reflétaient la lumière, comme si on y avait suspendu une infinité de petits miroirs ; dans la cheminée flambait un feu magnifique, tel que ce foyer morne et froid comme la pierre n’en avait jamais connu au temps de Scrooge ou de Marley, ni depuis bien des hivers. On voyait, entassés sur le plancher, pour former une sorte de trône, des dindes, des oies, du gibier de toute espèce, des volailles grasses, des viandes froides, des cochons de lait, des jambons, des aunes de saucisses, des pâtés de hachis, des plum-poudings, des barils d’huîtres, des marrons rôtis, des pommes vermeilles, des oranges juteuses, des poires succulentes, d’immense gâteaux des rois et des bols de punch bouillant qui obscurcissaient la chambre de leur délicieuse vapeur. Un joyeux géant, superbe à voir, s’étalait à l’aise sur ce lit de repos ; il portait à la main une torche allumée, dont la forme se rapprochait assez d’une corne d’abondance, et il l’éleva au-dessus de sa tête pour que sa lumière vînt frapper Scrooge, lorsque ce dernier regarda au travers de la porte entre-baillée.

« Entrez ! s’écria le fantôme. Entrez ! N’ayez pas peur de faire plus ample connaissance avec moi, mon ami ! »

Scrooge entra timidement, inclinant la tête devant l’esprit. Ce n’était plus le Scrooge rechigné d’autrefois ; et, quoique les yeux du spectre fussent doux et bienveillants, il baissait les siens devant lui.

« Je suis l’esprit de Noël présent, dit le fantôme. Regardez-moi ! »

Scrooge obéit avec respect. Ce Noël-là était vêtu d’une simple robe, ou tunique, d’un vert foncé, bordée d’une fourrure blanche. Elle retombait si négligemment sur son corps, que sa large poitrine demeurait découverte, comme s’il eût dédaigné de chercher à se cacher ou à se garantir par aucun artifice. Ses pieds, qu’on pouvait voir sous les amples plis de cette robe, étaient nus pareillement ; et, sur sa tête, il ne portait pas d’autre coiffure qu’une couronne de houx, semée çà et là de petits glaçons brillants. Les longues boucles de sa chevelure brune flottaient en liberté ; elles étaient aussi libres que sa figure était franche, son œil étincelant, sa main ouverte, sa voix joyeuse, ses manières dépouillées de toute contrainte et son air riant. Un antique four-