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LE POSSÉDÉ.

attention prêtée à quelques vieux échos de son esprit ; quiconque eût observé tout cela, aurait dit que ses manières étaient celles d’un possédé.

Quiconque eût entendu sa voix lente, caverneuse, grave et remarquable par une ampleur, une mélodie naturelle, contre lesquelles il semblait se tenir en garde, quiconque eût entendu cette voix, aurait dit, à coup sûr, que c’était la voix d’un possédé.

Quiconque l’eût vu dans son appartement retiré, mi-bibliothèque et mi-laboratoire, car, à la connaissance de tout le monde, au loin et dans le voisinage, c’était un homme expert en chimie et un professeur aux lèvres et aux mains duquel une foule d’oreilles et d’yeux se suspendaient chaque jour ; quiconque l’eût vu là, pendant une soirée d’hiver, seul, entouré de ses drogues, de ses instruments et de ses livres, à la lueur d’une lampe couverte d’un abat-jour, et projetant sur la muraille une ombre gigantesque, immobile, au milieu d’innombrables formes fantastiques, produites par les clartés vacillantes du foyer sur les objets étranges étalés çà et là, quelques-uns de ces fantômes se trouvant réfléchis par les vaisseaux en verre remplis de liquide, et tremblant convulsivement comme des choses ayant la conscience de sa puissance à les combiner et à réduire leurs atomes en vapeur et en feu ; quiconque l’eût vu à pareilles heures, après l’œuvre accomplie, méditant dans son fauteuil, devant la rouge flamme du foyer, remuant ses lèvres minces comme l’on fait en parlant, bien qu’elles demeurassent muettes comme la mort, aurait dit infailliblement que l’homme et l’appartement semblaient être au pouvoir des esprits.

Qui ne se serait dit, avec un faible effort d’imagination, que, chaque objet, autour de cet homme, prenait cette apparence surnaturelle, et que ce séjour était habité par des esprits !

Cette retraite avait, en effet, l’aspect d’un antre mystérieux. C’était un vieux bâtiment isolé, qui faisait partie d’un édifice fondé anciennement pour recevoir des étudiants et situé sur un terrain vaste et découvert. Mais, à cette époque, déchue de son antique splendeur, l’œuvre en ruine d’architectes oubliés, noircie par le temps et la fumée, pressée de tous côtés par les envahissements croissants d’une grande ville, était étouffée comme un vieux puits par une masse de briques et de pierres ; ses petits quadrangles, gisant dans de véritables fossés formés par les rues et les maisons construites avec le temps au-dessus de ses massives cheminées ; ses arbres séculaires, insultés par la fumée du voisinage qui daignait descendre à leur niveau lorsqu’elle était très-faible et le temps très-variable ; ses pelotes de gazon