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TROISIÈME PARTIE.


Le monde avait vieilli de six années depuis la nuit du retour. C’était par une chaude après-midi d’automne, et il avait plu abondamment. Soudain, le soleil déchira les nuages et illumina le vieux champ de bataille, qui refléta ses joyeux rayons sur les coteaux voisins.

Quel beau paysage à voir sous l’influence de cette puissante lumière, de ce feu céleste qui éclairait tout alentour ! Ici les bois, qui n’étaient tout à l’heure dans l’ombre de la nuit qu’une masse sombre, bigarrés maintenant de leurs teintes jaunes, vertes, brunes, empourprées ; avec les formes variées des arbres qui les composent, leurs feuilles où scintille la goutte d’eau de la pluie nocturne, avant de descendre en perle sur le gazon ! Les prés verdoyants s’éveillent : il semble que leurs yeux, fermés il n’y a qu’un instant aux ténèbres, s’ouvrent gaiement à présent pour admirer l’éclat du jour. Les blés, les haies, les barrières, les fermes, les hameaux, les cloches de l’église, le ruisseau, le moulin se détachent des tristes ombres et prennent un air riant. Les oiseaux ont des chants suaves ; les fleurs relèvent leur tête appesantie, la terre renouvelée exhale des parfums plus frais. Le bleu du ciel se propage et s’étend : les flèches d’Apollon vont percer mortellement de leurs coups obliques l’arrière-garde ténébreuse des nuages qui ne précipitaient pas assez leur fuite : un arc-en-ciel, l’essence de toutes les couleurs ensemble qui égayent le ciel et la terre, déploie son vaste diadème dans toute sa gloire triomphale.

À l’entrée du village voisin, une petite auberge, confortablement abritée sous un grand orme orné d’un banc circulaire trop étroit pour les oisifs, présentait au voyageur sa gaie façade et lui promettait silencieusement une douce bienvenue. L’en-