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LE GRILLON DU FOYER.



I

Premier cri.


C’est la bouilloire qui commença ! Je sais bien que Mme Peerybingle dit le contraire, mais cela m’est égal. Que Mme Peerybingle jure ses grands dieux, si elle veut, jusqu’à la consommation des siècles, qu’elle ne pourrait pas dire qui des deux a commencé ; je dis, moi, que c’est la bouilloire. Je dois bien le savoir, peut-être. La bouilloire commença cinq bonnes minutes à la petite horloge hollandaise au cadran verni, placée dans l’encoignure, avant que le grillon eût fait entendre un seul cri.

Comme si l’horloge n’avait pas fini de sonner, comme si le petit faneur aux mouvements convulsifs et saccadés qui la surmonte, promenant sa faux de droite à gauche, puis de gauche à droite devant la façade d’un palais moresque, n’avait pas fauché un demi-acre de gazon imaginaire avant que le grillon se fût mis de la partie !

Certes, je ne suis pas un obstiné, comme chacun sait. Je ne voudrais, à aucun prix, opposer mon opinion personnelle à l’opinion de Mme Peerybingle, si je n’étais parfaitement sûr de la chose. J’en suis tout à fait incapable. Mais c’est ici une question de fait : et le fait est que la bouilloire commença cinq minutes au moins avant que le grillon eût donné signe de vie. Avisez-vous de me contredire, et je parierai pour dix minutes.

Laissez-moi raconter exactement comment la chose arriva. C’est ce que j’aurais dû faire dès mon premier mot, sans cette considération bien simple, que, si je raconte une histoire, je dois commencer par le commencement ; et comment voulez-vous que je commence par le commencement, si je ne commence pas par la bouilloire ?