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chose : mais, comme je le dis toujours, c’est un des grands avantages qu’on trouve à loger dans une écurie, on a du moins un grenier ; et, tant que cette remise et cette écurie ne se loueront pas plus cher, nous y demeurerons, à cause du bon marché. Il y a là-haut en abondance d’excellent foin qui appartient à un voisin ; et puis, le grenier est propre comme… d’ailleurs les mains de Meg y ont passé : c’est tout dire. Allons, du courage ! ne vous laissez point abattre. A nouvel au cœur neuf, dit le proverbe. »

Retirée de dessus la tête de l’enfant, la main de l’étranger était tombée, tremblante, dans celle de Trotty, qui, sans cesser de parler, le conduisit à son gîte avec autant de tendresse et de douceur que si c’eût été un enfant de plus.

De retour avant Meg, il écouta un instant à la porte de sa chambrette attenante à la pièce principale. La petite fille murmurait une prière, simple comme son âge, avant de s’endormir : quand elle eut nommé sa chère, bien chère Meg (ainsi disait-elle), Trotty l’entendit s’arrêter et demander le nom du père Toby pour le mêler à sa prière.

Il s’écoula néanmoins quelques instants avant que le pauvre homme recouvrât assez de sang-froid pour attiser le feu et approcher sa chaise de la cheminée. Mais quand il l’eut fait, quand il eut ranimé la lampe, il tira son journal de sa poche et se mit à lire, d’abord avec distraction, sautant d’une colonne à l’autre, mais bientôt avec une attention triste et sérieuse.

Car ce même malheureux journal ramenait les pensées de Trotty dans la voie où elles s’étaient trouvées engagées tout ce jour-là, et que les événements dont il avait été témoin avaient si bien fait ressortir et mises en relief. Sa sympathie pour les deux étrangers venait heureusement de faire naître en lui un autre ordre d’idées, pour le moment plus riantes ; mais maintenant qu’il était seul de nouveau, et sous l’impression d’une lecture où il n’était question que de violences et de crimes commis par le peuple, il ne tarda pas à retomber dans sa préoccupation première.

Telles étaient ses dispositions, quand il tomba justement sur le récit (et ce n’était pas le premier de ce genre qu’il eût lu) de l’horrible action d’une femme qui, égarée par le désespoir, avait attpnté de ses mains, non-seulement à sa propre vie, mais encore à celle de son jeune enfant. Un crime aussi atroce révolta tellement tous les sentiments de son cœur plein de son amour pour Meg, qu’il laissa tomber le journal et se rejeta en arrière sur sa chaise, saisi d’épouvante.