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mission des visiteurs, et envoie Rosa pour leur servir de guide. Watt, à son tour, éprouve tout à coup le plus vif désir de voir cette magnifique résidence, et propose de se joindre aux deux jeunes avocats. Sa grand’mère, enchantée de l’intérêt qu’il témoigne pour Chesney-Wold, se lève et l’accompagne, malgré son insistance pour qu’elle ne se dérange pas.

«  Je vous suis très-obligé, madame, s’empresse de dire M. Guppy en ôtant son pardessus qui ruisselle et qu’il laisse dans le vestibule. Il est rare que nous autres, gens de loi, nous puissions quitter Londres, et, quand cela nous arrive, nous tâchons d’en profiter. »

La femme de charge montre, d’un geste à la fois gracieux et digne, le grand escalier vers lequel on se dirige ; M. Guppy et son ami suivent Rosa ; mistress Rouncewell et son petit-fils viennent ensuite ; un garçon jardinier passe devant pour ouvrir les volets.

Comme il arrive presque toujours à ceux qui visitent n’importe quel château, les deux gentlemen sont morts de fatigue et d’ennui avant d’avoir rien vu, bâillent à chaque porte qu’on ouvre et sont visiblement accablés. Dans toutes les pièces où l’on entre, mistress Rouncewell, aussi droite que le vieux château lui-même, s’assied à l’écart, près d’une fenêtre ou dans un coin, d’où elle approuve majestueusement la démonstration que Rosa fait aux deux étrangers. Son petit-fils est tellement attentif aux paroles de la jeune fille, que Rosa est de plus en plus timide et de plus en plus jolie. On passe d’une chambre à l’autre, évoquant tour à tour les vieux Dedlock, dont l’image disparaît bientôt dans l’ombre où les plonge le garçon jardinier en refermant les volets. Il semble aux visiteurs désolés qu’ils n’arriveront jamais au bout de ces Dedlock, dont la grandeur paraît consister à n’avoir rien fait qui pût les distinguer les uns des autres depuis plus de sept cents ans.

Le grand salon de Chesney-Wold lui-même ne parvient pas à relever les forces de M. Guppy, qui se sent près de défaillir et retrouve à peine assez de courage pour en franchir le seuil. Mais un portrait, dû au pinceau de l’artiste le plus fashionable du jour, et placé au-dessus de la cheminée, le ranime tout à coup ; il le regarde et semble fasciné par l’image qu’il représente.

«  Qui est-ce ? s’écrie-t-il vivement intéressé.

— Le portrait qui est au-dessus de la cheminée ? dit Rosa ; c’est celui de lady Dedlock, celle qui vit à présent ; il est d’une parfaite ressemblance, et c’est, dit-on, le meilleur ouvrage du maître.