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BLEAK-HOUSE

On sortait de cette chambre par une petite galerie avec laquelle communiquaient les deux chambres d’honneur et d’où l’on revenait à la grande salle du rez-de-chaussée par un petit escalier avec des embranchements sans nombre. Mais au lieu de suivre cette direction, nous revînmes sur nos pas, montâmes quelques marches et nous engageâmes dans des corridors où se trouvaient des cylindres, des tables triangulaires, une chaise hindoue qui servait en même temps de sofa, de lit et de coffre, qui tenait à la fois d’un bambou et d’une grande cage, et avait été rapportée des Indes on ne savait plus par qui. De là on entrait dans la chambre de Richard, mi-bibliothèque et mi-salon. De là, nous allâmes par un corridor directement dans celle où M. Jarndyce couchait toute l’année, la fenêtre ouverte, et dont le lit sans rideaux occupait le milieu de la pièce afin d’y avoir plus d’air. À côté, dans un petit cabinet, se trouvait la baignoire où chaque matin il prenait son bain froid. Venait ensuite un couloir sur lequel donnait l’escalier dérobé, et d’où l’on pouvait entendre le pied des chevaux glisser sur le pavé en sortant de l’écurie et les paroles que le palefrenier leur adressait chaque fois ; ou bien, si vous preniez la porte opposée (toutes les chambres en avaient au moins deux), vous n’aviez que six marches à descendre et à traverser un corridor voûté, et vous étiez tout étonné de vous retrouver dans la salle.

La variété de cette disposition irrégulière se montrait également dans l’ameublement qui n’était pas vieux, mais à la vieille mode. Même la chambre où couchait Éva n’était que fleurs et guirlandes, sur le papier des murs, sur la perse des rideaux, le brocart des grands fauteuils qui se dressaient de chaque côté de la cheminée, fauteuils de cour roides et massifs ayant en guise de page un tabouret à leurs pieds. Notre salon était vert et contenait, dans des cadres accrochés aux murailles, de nombreux portraits d’oiseaux surprenants et non moins surpris de ce qu’ils voyaient autour d’eux ; une véritable truite dans sa vitrine où elle était aussi brune et aussi luisante que si on venait de la servir dans son jus ; enfin on y voyait la mort du capitaine Cook, avec une série de tableaux représentant la préparation du thé en Chine et dus au pinceau d’un artiste chinois.

Dans ma chambre étaient les mois de l’année, jeunes ladies à taille courte, un grand chapeau attaché sous le menton, et fanant du bout des doigts, pour représenter juin ; gentilshommes, au chapeau à trois cornes, au jarret tendu, montrant au loin quelque clocher de village, pour figurer octobre. Et partout dans la maison des portraits demi-grandeur, mais tellement dis-