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BLEAK-HOUSE

— Figurez-vous, dit Éva en croisant ses mains sur le bras de M. Jarndyce, et en me faisant des signes de tête négatifs pour répondre à ceux que je lui adressais de mon côté pour la faire taire, figurez-vous qu’elle est devenue tout de suite leur amie et qu’elle les a soignés, dorlotés, bercés, débarbouillés, habillés ; qu’elle leur racontait des histoires, leur faisait des cadeaux.

— Ma chérie, que dites-vous là ? pour un mauvais petit cheval de plomb….

— Et ce n’est pas tout, cousin John ; elle consolait Caroline, la fille aînée de mistress Jellyby, pensait à tout, veillait sur moi et s’est montrée si bonne et si aimable !… Non, non, chère Esther, je ne veux pas m’arrêter, encore moins être contredite ; vous savez bien que je dis vrai. »

Et la ravissante créature, se penchant vers moi, m’embrassa de tout son cœur ; puis regardant M. Jarndyce en face, elle lui dit audacieusement : « Quoique vous puissiez faire et dire, cousin John, je veux vous remercier de la compagne que vous m’avez donnée. » Je craignais de le voir partir ; mais se retournant vers Richard :

« De quel côté disiez-vous qu’était le vent ? lui demanda-t-il.

— Du nord, quand nous sommes arrivés, dit Richard.

— Vous aviez raison, mon ami ; pas le moindre petit vent d’est ; c’était une méprise de ma part. Allons, venez, enfants, que je vous fasse voir votre demeure. »

C’était une de ces vieilles maisons délicieusement irrégulières où l’on monte deux marches, on en descend trois, pour aller d’une pièce à l’autre ; où vous découvrez encore des chambres quand vous croyez avoir tout vu ; et qui contiennent une foule de cabinets, de petits passages, de couloirs, de chambrettes avec des jalousies aux fenêtres, à travers lesquelles passent les branches flexibles des plantes grimpantes qui tapissent la muraille. La mienne, dans laquelle nous entrâmes d’abord, était de ces dernières, en mansarde, avec toutes sortes de petits coins et une cheminée garnie intérieurement de carreaux de faïence qui reflétaient la flamme d’un feu de bois clair et vif. Nous descendîmes deux marches et nous nous trouvâmes dans un charmant petit salon, donnant sur le parterre et qui nous était réservé. Trois marches à monter et nous fûmes dans la chambre de miss Clare, belle et grande pièce dont la fenêtre à profonde embrasure dominait la campagne et d’où l’on devait découvrir un magnifique horizon ; pour l’instant, nous n’aperçûmes que d’immenses ténèbres se déroulant sous les étoiles.