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kinghorn. Il est heureusement retenu par Judy, qui le rétablit sur son siège après l’avoir bien tapoté.

«  La violence ne me va pas, répond froidement l’avoué.

— Non, non, je le sais, monsieur, je le sais ; mais c’est vexant, faut en convenir… c’est encore pis que votre jacasse de grand’mère, dit le vieillard à l’imperturbable Judy qui regarde dans la cheminée. Savoir qu’il possède la chose dont on aurait besoin, et il ne veut pas la donner ! ne pas la donner ! lui !… un vagabond, un va-nu-pieds ! N’importe, soyez tranquille, monsieur. Qu’il fasse le fier aujourd’hui, ça ne durera pas longtemps, j’aurai mon tour ; je le tiens périodiquement dans un étau, moi ! je serrerai la vis et nous verrons ; un bon tour d’écrou, monsieur, il faudra bien qu’il cède… Maintenant, cher monsieur Georges, dit l’avare en lâchant l’avoué avec une grimace hideuse et un clignement d’œil significatif, maintenant je suis prêt à recevoir votre assistance, mon excellent ami. »

M. Tulkinghorn se lève, et, debout sur le tapis du foyer, le dos au feu, ne peut s’empêcher de témoigner, malgré son masque impassible, l’amusement qu’il éprouve à voir l’ordre et la marche de l’enlèvement de M. Smallweed, et répond par un léger mouvement de tête au salut de M. Georges.

Celui-ci trouve plus facile de porter M. Smallweed jusqu’au bas de l’escalier que de s’en débarrasser. L’avare, installé dans son cab, devient tellement loquace, il a tant de choses à dire au sujet des cinq guinées et retient son cher ami d’une manière si affectueuse par le bouton de l’habit, éprouvant le secret désir de voler le précieux papier caché derrière ce bouton, qu’il faut à M. Georges un certain effort pour lui faire lâcher prise ; toutefois, ayant fini par se délivrer de cette étreinte amicale, le sergent s’éloigne et se dirige vers la demeure de son vieux camarade. Il traverse le Temple, Whitefriars, donne un coup d’œil à Hanging-Sword-Alley, qui se trouve à peu près sur son chemin, passe le pont de Blackfriars, prend la route du même nom et arrive dans une rue située au milieu de ce dédale que forment les routes de Kent et de Surrey, avec les rues qui viennent des ponts et qui aboutissent au célèbre Éléphant[1], dont la locomotive, dragon moderne, a détruit le château et dévoré les mille voitures. L’une des petites boutiques de cette rue appartient à un luthier, ainsi qu’on peut le voir aux quelques violons, aux flûtes de Pan et au tambourin qui en décorent la fenêtre, et c’est vers la maison du

  1. L’éléphant et le château, ancienne auberge où descendaient toutes les voitures allant vers le Sud.
    (Note du traducteur.)