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inquiet ; je suis bien heureux de vous avoir rencontrée, miss ; car je ne sais vraiment pas comment sans vous je me serais tiré d’affaire. » Il mit une main sur sa poitrine et attendit que j’eusse fait part à miss Flite de l’objet de son message. « Mon terrible ami du Shrospshire ! presque aussi célèbre que moi-même ! s’écria-t-elle ; certainement, je vais aller le voir et de tout mon cœur, Fitz Jardnyce !

— Chut ! il est caché et demeure dans ce moment-ci chez monsieur, lui dis-je en désignant l’ancien soldat.

— Vrai…ment ! très-fière de tant d’honneur ! Un militaire, un général, Fitz Jardnyce ? » me dit-elle à l’oreille.

La pauvre miss Flite éprouva le besoin de témoigner son respect à l’armée anglaise par tant de politesses et de révérences, qu’il devint fort difficile de sortir de la cour. Lorsqu’enfin elle eut fini de saluer et de sourire, elle prit le bras du général, au grand divertissement de quelques oisifs qui regardaient cette petite scène ; et l’ancien militaire, dont l’embarras était visible, me pria si respectueusement « de ne pas déserter, » que sachant d’ailleurs toute l’influence que j’avais sur miss Flite, je consentis à les accompagner. Richard ne demandait pas mieux, et comme M. Georges nous dit que M. Gridley n’avait fait que parler de M. Jardnyce depuis qu’il avait appris l’entrevue du matin, j’écrivis à la hâte quelques lignes à mon tuteur pour l’informer de l’endroit où nous allions et du but de notre visite.

Nous prîmes une voiture et nous nous arrêtâmes dans les environs de Leicester-Square ; de là, nous traversâmes un dédale de petites cours à propos desquelles M. Georges nous fit beaucoup d’excuses, et nous fumes bientôt arrivés à sa galerie, dont la porte était fermée. Comme il venait de sonner, un gentleman très-respectable, à cheveux gris et en lunettes, ayant un spencer noir, des guêtres de même couleur, un large chapeau et une canne à pomme d’or, lui adressa la parole.

« Mille pardons, mon ami, lui dit-il ; mais n’est-ce pas ici la galerie de M. Georges ?

— Oui, monsieur, répondit ce dernier en lançant un regard à l’inscription qui était peinte sur le mur en très-gros caractères.

— Ah ! c’est vrai, dit le gentleman en suivant la direction qu’avait prise les yeux du maître d’armes ; je vous remercie ; avez-vous sonné ?

— Oui, monsieur, et d’ailleurs c’est moi qu’on appelle Georges.

— Fort bien ! dit le gentleman ; vous le voyez, je ne me fais pas attendre ; c’est vous sans doute qui êtes venu me chercher ?

— Non, monsieur ; et je ne vous connais pas.