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Tout ce qui lui reste de sa petite fortune va être absorbé par les frais de son équipement ; il n’aura plus ensuite aucune ressource, et le voilà lié à tout jamais par sa propre résolution.

— Il est vrai, dit Richard, que tout ce que j’avais est épuisé ou va l’être ; mais ce faible avoir n’était pas tout ce que je possède.

— Rick, s’écria M. Jarndyce avec une terreur subite et d’une voix altérée ; au nom du ciel ! n’attendez rien de ce qui fut toujours une malédiction pour la famille ; quelle que soit la route que vous parcouriez ici-bas, Richard, détournez vos yeux de l’horrible fantôme qui vous attire ; il vaudrait mieux emprunter ou mendier, il vaudrait mieux mourir que de le suivre ! »

La ferveur avec laquelle M. Jarndyce prononça ces paroles nous fit tous tressaillir ; Richard se mordit les lèvres, retint son haleine et me regarda, car il connaissait ma pensée.

«  Chère Éva, poursuivit M. Jarndyce en retrouvant sa gaieté, ce sont là des paroles un peu vives ; mais nous sommes à Bleak-House, et j’y ai vu les résultats de cette maudite influence. Revenons à la question qui nous occupe. Tout l’avenir de Richard est donc maintenant dans la nouvelle carrière qu’il embrasse aujourd’hui, et, par amour pour lui autant que pour vous, Éva, je lui demande de vous quitter avec la pensée qu’il n’existe aucun engagement entre vous deux ; j’irai plus loin : vous vous êtes confiés librement à moi, et je vous parlerai avec franchise, je vous demande d’oublier provisoirement tout autre lien que celui de votre parenté.

— Il vaudrait mieux déclarer tout de suite, monsieur, répondit Richard, que je ne vous inspire aucune confiance, et conseiller à ma cousine de faire la même déclaration.

— Je ne le ferai pas, Richard, parce que c’est loin de ma pensée.

— Vous trouvez que j’ai mal débuté, monsieur, et vous avez raison.

— Je vous ai dit, Richard, la dernière fois que nous en avons parlé, ce que j’avais toujours espéré de vos débuts, reprit M. Jarndyce d’un ton encourageant ; vous n’avez pas encore, à vrai dire, commencé votre carrière ; mais le temps est venu d’y songer sérieusement ; faites donc aujourd’hui ces débuts que nous attendons ; mais jusque-là vous êtes cousin d’Éva, rien de plus, Richard ; c’est quand vous aurez assuré votre avenir, que des relations plus étroites pourront s’établir entre vous, et seulement alors, pensez-y bien.

— Vous êtes cruel à mon égard, monsieur, plus cruel que je ne l’aurais supposé.