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il a tant de respect pour son père ! et il craint qu’en apprenant cette nouvelle, M. Turveydrop ne s’évanouisse, ou tout au moins n’éprouve une émotion trop vive ; il a peur que le vieux gentleman ne considère cela comme un acte d’irrévérence et n’en reçoive une secousse trop violente, car M. Turveydrop est, vous le savez, d’une suprême distinction et d’une sensibilité dont rien n’approche.

— En vérité !

— Oh ! mais excessivement sensible ; ce qui fait que ce cher enfant… Je n’avais pas l’intention d’employer cette expression devant vous, Esther, dit-elle en rougissant, mais c’est ainsi que je nomme Prince habituellement. »

Je me mis à rire, elle en fit autant, devint pourpre et continua :

«  Ce qui lui a causé une…

— À qui donc ? lui demandai-je.

— Oh ! que vous êtes ennuyeuse, dit-elle en riant et le visage tout en feu ; à ce cher enfant, puisque vous y tenez absolument ; ce qui lui a causé plusieurs semaines d’inquiétude, et lui a fait remettre de jour en jour son entretien avec M. Turveydrop. Enfin, m’a-t-il dit, si vous pouviez obtenir de miss Summerson, qui est en grande faveur auprès de mon père, qu’elle voulût bien être là quand j’aborderai ce sujet, il me semble que j’aurais plus de courage ; je lui promis de vous le proposer, et je pensai, d’ailleurs, que si vous y consentiez, je vous prierais ensuite de venir avec moi chez ma mère ; c’est là ce que j’avais à vous demander, et si vous croyez pouvoir le faire, chère amie, nous vous en serons bien reconnaissants.

— Je ferais, lui dis-je, bien autre chose pour vous être agréable, si c’était en mon pouvoir ; disposez de moi quand vous voudrez, je suis entièrement à votre service. »

Caroline fut transportée de joie en entendant cette réponse ; la moindre preuve de bienveillance ou d’affection touchait son cœur ; et, après avoir fait un second tour de jardin, pendant lequel elle mit une paire de gants tout neufs et se rendit aussi resplendissante que possible pour faire honneur au dernier gentleman, nous nous rendîmes à Newman-street.

Nous trouvâmes Prince dansant avec une petite élève de peu d’espérance, au visage rechigné, à l’air stupide, à la voix creuse, accompagnée d’une mère inanimée, paraissant peu satisfaite des progrès de sa fille, dont la mauvaise grâce et l’inintelligence s’augmentèrent nécessairement de la confusion dans